L'auguste Banque du Canada fronce les sourcils. Elle a lancé un sévère message à l'approche des Fêtes.

En raison de la hausse de leur taux d'endettement, les ménages canadiens sont devenus de plus en plus vulnérables à une détérioration de la conjoncture économique, prévient-elle dans sa Revue du système financier de décembre.

Il est vrai que le consommateur traîne un fardeau de plus en plus lourd. Le taux d'endettement des ménages canadiens a atteint 145% au troisième trimestre 2009. «C'est le taux le plus élevé de l'histoire, un taux record», indique Allan Tomas, économiste chez Statistique Canada.

En d'autres mots, le ménage qui jouit d'un revenu disponible de 100 000$ l'oppose à des dettes totalisant 145 000$. Au premier trimestre de 1990, le taux d'endettement était de 88,6%, et n'a jamais cessé d'augmenter depuis, si on excepte quelques rares et courtes régressions.

Préoccupant? Mario Couture, économiste principal au Mouvement Desjardins, n'ira pas jusqu'à dire que tout va très bien, madame la marquise, mais il ne s'inquiète pas outre mesure.

Les Québécois sont de plus en plus endettés? Pas grave, ils sont de plus en plus riches. Car il faut comparer les proverbiales pommes avec leurs semblables, insiste l'économiste. Oui, l'endettement a atteint un nouveau sommet en proportion du revenu disponible des ménages. «Mais heureusement pour les ménages québécois et même canadiens, l'endettement a moins progressé que leurs actifs», fait-il valoir.

En 1998, les dettes des ménages québécois équivalaient à 51% de la valeur de leurs actifs - c'est-à-dire la valeur foncière des immeubles résidentiels et l'épargne accumulée. En 2008, les dettes ne correspondaient plus qu'à 48,4% de la valeur des actifs, bien que celle-ci ait chuté de 2% sous l'effet de la crise boursière.

Il existe une autre façon de voir le problème: le service de la dette, soit la proportion du revenu disponible du ménage destinée à payer les intérêts des dettes. «Cette fois, vous comparez des tomates avec des tomates», lance l'économiste.

Ce taux, qui gravite autour de 7,5% en 2009 au Canada, est inférieur à la moyenne historique des 15 dernières années. «Nous ne sommes pas dans une situation catastrophique», dit-il.

Ces constats ne rassurent pas Jacques Nantel, professeur titulaire à HEC, qui suit de près l'endettement des consommateurs depuis une dizaine d'années. «Deux choses m'inquiètent, lance-t-il. La première, c'est qu'une partie importante de cette dette, environ 40% du revenu disponible, est une dette de consommation.» Elle ne sert donc pas à constituer un actif, comme la dette hypothécaire.

La dette à la consommation s'est transformée au fil des ans, pour se porter du côté des marges de crédit personnelles. Elles ne constituaient que 3% du crédit à la consommation en 1985, contre plus de 38% à la fin 2008. Ces marges sont le plus souvent hypothécaires, c'est-à-dire garanties par la résidence familiale. Leurs taux d'intérêt sont inférieurs à ceux des prêts personnels traditionnels et des cartes de crédit.

Tentant

C'est là l'autre point qui préoccupe Jacques Nantel: «La propension des Canadiens à s'endetter pour profiter de très bas taux d'intérêt, ce qui est extrêmement risqué.»

Les taux d'intérêt ne peuvent qu'augmenter, et ils le feront presque certainement avant la fin de 2010. Peut-être un point de pourcentage en 2010. Peut-être encore deux points en 2011.

En fait, la question fondamentale n'est pas de déterminer si les consommateurs québécois sont trop endettés. Mais bien de savoir si vous (oui, vous!) pourriez faire face à une mauvaise surprise.

«Lorsqu'ils empruntent des fonds, en particulier sous la forme de prêts hypothécaires, les ménages doivent estimer leur capacité à rembourser cette dette jusqu'à son échéance, en tenant compte des variations possibles de leur revenu et des taux d'intérêt», professe la Banque du Canada.

«C'est back to basic, résume Jacques Nantel. Je suis d'une génération où on nous apprenait que c'est une bonne chose d'avoir trois mois d'avance.»

Les vieilles traditions ont souvent du bon.

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Taux d'endettement des ménages québécois

1980

55,7%

2008

112,8%

Taux d'épargne des ménages québécois

1980

15%

2008

2,1%

Source: Statistique Canada

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Dossiers d'insolvabilité au Québec

Septembre 2009

4120 dossiers d'insolvabilité, dont 3487 faillites

Octobre 2009

3517 dossiers d'insolvabilité, dont 2635 faillites

1er novembre 2008 au 31 octobre 2009

41 228 dossiers, dont 34 132 faillites

1er novembre 2007 au 31 octobre 2008

33 136 dossiers, dont 27 346 faillites