Même si le Québec a été relativement épargné par la récession, son économie se porte mal. Si mal, qu'un coup de barre s'impose pour éviter la faillite.

Tel est le constat formulé par les quatre économistes à qui le ministre des Finances Raymond Bachand a demandé de l'aide afin de remettre de l'ordre dans les finances publiques.

«Plusieurs s'imaginent que ça va très bien et ce n'est pas le cas», a résumé hier Robert Gagné, économiste et professeur à HEC Montréal, en rendant public le document qui servira de base aux travaux du comité formé de grosses pointures du monde économique québécois. En plus de Robert Gagné, Luc Godbout, Claude Montmarquette et Pierre Fortin en font partie.

Les quatre économistes ont calculé que le Québec offre 26% plus de services à ses citoyens que l'Ontario, même s'il est plus pauvre de 14%. Ces dépenses supplémentaires atteignent 17,8 milliards cette année, dans plusieurs secteurs dont surtout la famille et les services sociaux, l'aide aux entreprises, la santé et l'éducation.

Par exemple, le Québec finance 100% des lits d'hébergement en soins de longue durée, tandis que le gouvernement ontarien n'en finance aucun, le service étant offert par les municipalités ou le privé.

Un tel niveau de services peut être maintenu uniquement par le recours à la dette, qui coûtera de plus en plus cher quand les taux d'intérêt actuellement à un niveau historiquement bas se mettront à remonter. Déjà, 58% des revenus de la TVQ vont aux intérêts sur la dette, illustre Luc Godbout.

«On a vécu au-dessus de nos moyens, on vit encore au-dessus de nos moyens et on ne peut plus continuer de vivre au-dessus de nos moyens. On est au pied du mur», estime Claude Montmarquette.

Le gouvernement québécois a déjà prévu des mesures pour combler le déficit engendré par la récession, mais une fois la récession terminée et le déficit comblé, le problème du Québec restera entier, a expliqué Pierre Fortin. Dès 2013, la population active commencera à diminuer, et les rentrées fiscales diminueront avec elle. La population vieillissante coûtera plus cher en soins de santé et on aura moins d'argent pour supporter ces coûts supplémentaires.

Ce qui guette le Québec à plus long terme, c'est la décote et la fin de la possibilité de faire ses propres choix économiques et sociaux. Il risque aussi de ne plus pouvoir garder ses jeunes, qui sont plus éduqués et plus mobiles que jamais, et qui ne voudront pas vivre écrasés par un fardeau fiscal de plus en plus lourd, a illustré Claude Montmarquette.

Déjà, pour chaque dollar gagné, les Québécois paient 39 cents en impôt, comparativement à 32 cents pour les autres Canadiens.

Les quatre économistes ont l'intention de proposer des solutions au ministère des Finances avant le prochain budget. Les solutions passeront inévitablement par une réduction des dépenses, a indiqué Claude Montmarquette. Et par la création de richesse, a souligné Robert Grenier. «J'entends des gens dénigrer la création de richesse, a-t-il dit, mais c'est ça qu'on peut taxer (pour payer les services publics). On ne peut pas taxer le chant des oiseaux en hiver.»