Un litige entre trois familles prospères de Montréal est en train de tourner en véritable feuilleton judiciaire. En toile de fond se mêlent un casino en Grèce, des documents financiers falsifiés et un transfert douteux d'une firme à scandale de Laval.

L'histoire a été portée devant les tribunaux en 2004 par Gerald Issenman et Robert Lang, deux promoteurs immobiliers discrets de Montréal. Elle concerne la vente d'un casino en Grèce en 2003 pour la somme de 35 millions de dollars.

Aujourd'hui, les deux promoteurs réclament 4,2 millions à l'homme d'affaires Thomas Nacos, soit leur part du gain qu'ils estiment avoir réalisé lorsqu'il a vendu le casino. L'homme d'affaires repousse leur demande.

Thomas Nacos est l'ex-copropriétaire de la populaire chaîne de restaurants Da Giovanni, de Montréal. L'homme de 70 ans possède encore les restos Guido Angelina et Wienstein & Gavinos, notamment, qui font dans la fine cuisine italienne.

Pour calculer les sommes exactes auxquelles ils ont droit, MM. Issenman et Lang exigent que Thomas Nacos leur remette les états financiers du casino entre 1997 et 2004. Un juge leur a d'ailleurs donné raison, en septembre 2008, sommant M. Nacos de remettre les états financiers.

Or, un an plus tard, les documents pertinents n'ont toujours pas été remis. Thomas Nacos a même été reconnu coupable d'outrage au tribunal pour ce manquement, en mai 2009, indique une requête passée inaperçue l'été dernier. Le jugement d'outrage au tribunal a été porté en appel.

En fait, Thomas Nacos a bien remis des états financiers, mais il s'agit de documents sommaires et imprécis, selon la requête. Pour en avoir le coeur net, le tandem Issenman-Lang a fait analyser les documents par la firme RSM Richter. Or, le rapport révèle des éléments troublants qui ont incité MM. Lang et Issenman à contester cette comptabilité en Cour supérieure, en juillet dernier.

D'abord, les états financiers sommaires du casino pour l'année 2003 ne font aucune mention de la vente du casino pour 35 millions, un élément pourtant central de l'exercice financier. Les états financiers de 2004 sont inexistants.

Revoilà KPLV, de Laval!

Ensuite, le calcul des participations des actionnaires dans le casino est erroné, selon RSM Richter, surévaluant celle de M. Nacos.

Enfin, les fonds versés par M. Nacos pour le casino incluent curieusement une somme de quelque 4 millions de dollars prétendument versée par la firme KPLV Canada. Or, cette somme serait une entrée comptable fictive, soutient le partenaire de Thomas Nacos, Socrates Goulakos. Cette entrée fictive était soi-disant destinée à tromper les autorités grecques quant au capital nécessaire pour avoir le permis d'exploitation du casino, selon M. Goulakos.

KPLV est cette firme de placements de Laval qui a été mêlée à de nombreuses poursuites pour irrégularités, selon la requête. Entre autres, l'un de ses trois dirigeants, Leo Valkanas, a été condamné en mai dernier à verser 1 million de dollars à une cliente qu'il a fraudée.

Ironiquement, la plupart des poursuivants de Leo Valkanas sont représentés par le cabinet d'avocats Kounadis Perreault, la même firme qui défend Thomas Nacos dans la présente cause.

Nous avons joint l'avocat Ross Robbins, de Kounadis Perreault, mais il n'a pas voulu faire de commentaires sur cette affaire.

Ce n'est pas la première fois que Thomas Nacos se retrouve devant les tribunaux. L'an dernier, son entreprise Drummcor Equities a été condamnée à verser 4 millions de dollars à l'entreprise de financement Dorset Trust, d'Israël.

Dans son jugement, le juge Jacques Fournier a été très dur à l'endroit de M. Nacos et de son partenaire Socrates Goulakos. «Les témoignages de Nacos et Goulakos sont tellement remplis de contradictions et d'illogismes qu'on ne peut pas s'y fier et ils sont une tentative délibérée de tromper la Cour», avait-il écrit.

Son jugement, porté en appel, éclaboussait également Dennis Kounadis, alors l'avocat d'affaires de MM. Nacos et Goulakos. «L'utilisation du compte en fidéicommis d'un avocat (NDLR: Kounadis) pour compliquer les affaires davantage et créer une piste documentée pourrait être une tentative de déformer la réalité, mais il ne dissipera pas l'odeur de fraude», avait-il ajouté.

Concernant la contestation des états financiers du casino, le dossier est prêt à être plaidé en Cour depuis peu. Les parties sont dans l'attente d'une date d'audition.



PRÉCISION


Suite à un article publié le 2 décembre 2009, Cyberpresse tient à préciser que le tribunal n'a pas blâmé Me Kounadis et la firme Kounadis Perreault pour l'utilisation faite de leur compte en fidéicommis. Dans le même article, Cyberpresse n'a pas voulu laisser entendre que l'étude de Kounadis Perreault aurait été les avocats de KPLV.