La crise financière de 2008 a exercé une pression intense sur les liquidités de la Caisse de dépôt et placement. Or, voilà que l'institution vient de se prémunir contre une nouvelle débandade éventuelle des marchés, recevant en quelque sorte un vaccin anticrise.

Mercredi, l'institution a annoncé avoir reçu 5 milliards US de financement à long terme. Il s'agit du plus important financement en dollars américains jamais réalisé par une firme canadienne dont les fonds sont non garantis par un gouvernement.

Ce financement à long terme ne vient pas gonfler la dette de la Caisse, estimée à 31 milliards. Il remplace plutôt certaines structures de dette à court terme qui ont causé des maux de tête à la Caisse à l'automne 2008. Qui plus est, ces fonds viennent sécuriser les liquidités de la Caisse.

Selon nos informations, l'institution a maintenant entre 30 et 35 milliards de liquidités, comparativement à quelque 20 à 25 milliards auparavant. Le porte-parole de la Caisse, Maxime Chagnon, n'a pas voulu confirmer ou infirmer ce niveau des liquidités. Cependant, il soutient que ce financement «procure plus de stabilité et de flexibilité» à l'institution.

En quoi le financement est-il un vaccin anticrise? C'est qu'il permet à la Caisse de réduire sa dépendance envers les virus des marchés financiers.

À l'automne 2008, rappelons-le, la Caisse a fait face à des appels de liquidités importants, notamment pour couvrir ses positions de change.

En quelques semaines, le huard avait plongé de 20%, exigeant de la Caisse qu'elle débourse 8,9 milliards pour couvrir ses immeubles et placements privés, notamment.

Habituellement, ces fonds sont financés par des emprunts à court terme (six mois et moins) avec des produits sophistiqués. Or, la crise a eu pour effet de tarir ces sources de financements à court terme, plaçant la Caisse dans une situation délicate. Les 5 milliards US qu'elle vient d'obtenir à long terme lui permettent d'être moins dépendante de ces produits sophistiqués et de réduire son risque.

Entre autres produits sophistiqués, la Caisse utilise le REPO, acronyme anglais pour «Titre vendu en vertu de conventions de rachat». Essentiellement, il s'agit de titres boursiers ou obligataires que la Caisse prête à d'autres institutions en retour d'argent comptant.

Par analogie, c'est comme si la Caisse hypothéquait ses titres financiers, comme ce serait le cas d'une maison, et qu'elle recevait de l'argent en échange, pour quelques jours ou quelques semaines. Cet argent est réinvesti à meilleurs taux, généralement. C'est ainsi que la Caisse avait notamment financé l'achat des fameux papiers commerciaux PCAA.

À la fin de 2008, la Caisse avait environ 24 milliards de dollars de REPO, une technique de financement qui avait explosé sous l'ère d'Henri-Paul Rousseau. Ce niveau devrait maintenant être réduit sous le règne du PDG Michael Sabia, selon nos renseignements.

Les 5 milliards à long terme viennent également réduire le risque de «désappariement» des fonds de la Caisse. En effet, bien souvent, la Caisse finance des placements à long terme avec des fonds à court terme. Cette situation cause des problèmes lorsque les sources de fonds à court terme ne peuvent être renouvelées en raison d'une crise.

Taux plus élevés

Cette réduction du risque a toutefois une contrepartie, fait remarquer Alain Chung, gestionnaire de portefeuille chez Claret. «Il double ou triple pratiquement le coût de financement de la Caisse pour ce montant, puisque la Caisse paie à peine 1% pour ses fonds à court terme», dit-il.

Les 5 milliards à long terme portent en effet intérêts à un peu plus de 4%, en moyenne. Le financement est en trois tranches: 2 milliards sur cinq ans à 3%, 1,75 milliard sur 10 ans à 4,4% et 1,25 milliard sur 30 ans à 5,6%.

Ces taux d'intérêt sont certes intéressants pour ces échéances, soit seulement 83 à 130 points centésimaux de plus que les bons du Trésor américains équivalents. Ils rentent cependant plus élevés que les taux à court terme. «La Caisse fait un pari sur les taux d'intérêt», dit Alain Chung.

Quant au fort niveau de liquidités de la Caisse, Alain Chung croit qu'il diminuera au fur et à mesure que le nouveau chef des placements de la Caisse, Roland Lescure, clarifiera ses politiques de placement.