Chaque fois qu'il est question de rémunération des patrons des entreprises publiques, les contribuables regimbent. Voilà des gens grassement payés à même nos impôts, qui peuvent couler des jours heureux à l'abri de la concurrence féroce qui est le lot de leurs vis-à-vis dans le privé, entend-on.

Hydro-Québec n'a pas besoin de recruter ses clients et de faire des pieds et des mains pour les garder. La Caisse de dépôt gère des fonds qui lui sont confiés par la loi et non ceux d'investisseurs qui auraient le choix et seraient attirés par sa performance. Il faut absolument aller à la Société des alcools pour acheter vins et alcools.

Les gestionnaires des sociétés d'État ne sont pas obligés de se battre contre la concurrence, mais ils ont des défis encore pires que ça, soutient Michel Nadeau, directeur général de l'Institut pour la gouvernance des organisations publiques et privées et ancien numéro 2 de la Caisse de dépôt.

La plupart ont une double mission, précise-t-il. On demande à la SAQ de vendre le plus de vin possible et de lutter contre l'alcoolisme. Loto-Québec doit vendre des billets de loterie et aider les joueurs compulsifs, en plus de commanditer des festivals. «Les attentes envers eux sont aussi grandes que dans le secteur privé», résume Michel Nadeau.

Selon lui, la question de rapprocher la rémunération dans les sociétés d'État de celle du secteur privé ne se pose même pas. «Vous avez un marché du talent et le talent va où les conditions sont les meilleures.»

C'est aussi l'avis de Marcelin Joanis, professeur à l'Université de Sherbrooke. «Si on veut s'assurer d'avoir les meilleurs, il faut payer plus cher», dit-il. Mais c'est gênant, parce qu'il faut payer des salaires plus élevés que celui du premier ministre, souligne-t-il.

Au Québec, le premier ministre gagne moins de 200 000$ par année. C'est 10 fois moins la rémunération encaissée par le président de la Caisse de dépôt en 2006 et en 2007 et trois fois moins que ce qu'a ramené à la maison Thierry Vandal l'an dernier.

Le professeur Joanis reconnaît que le moment est mal choisi pour relancer le salaire des élus, mais il estime néanmoins que leur rémunération trop basse nuit à la qualité du débat public.

Ghislain Dufour, ancien président du Conseil du patronat et conseiller chez National, croit lui aussi que le premier ministre n'est pas assez bien payé, considérant les responsabilités qu'il doit endosser. Par contre, les présidents des plus grosses des sociétés d'État, comme la Caisse, Hydro-Québec ou la Société générale de financement, «sont assez bien payés», estime-t-il.

D'autres qui travaillent plus dans l'ombre, comme la CSST, la Régie des rentes et ou la Commission des normes du travail, auraient du rattrapage à faire, selon lui. «Quand Pierre Shedleur était président de la CSST, il gagnait 119 000$ pour gérer 3000 employés et un budget de 3 milliards. Le gouvernement a refusé de l'augmenter et il est parti chez Bell», rappelle-t-il.

Aujourd'hui, Pierre Shedleur est revenu dans le secteur public. Il dirige la Société générale de financement qui lui a versé une rémunération de 548 626$ l'an dernier.

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LES MIEUX PAYÉS EN 2008*

HENRI-PAUL ROUSSEAU

Caisse de dépôt

1 103 777$

(pour 9 mois)

THIERRY VANDAL

Hydro-Québec

558 396$

PIERRE SHEDLEUR

Société générale de financement

548 466$

PHILIPPE DUVAL

Société des alcools

325 828$

ALAIN COUSINEAU

Loto-Québec

320 802$

JACQUES DAOUST

Investissement Québec

316 502$

*Rémunération totale

Source: Rapports annuels