Une inspection spéciale effectuée chez Norbourg en novembre 2002 par la CVMQ, devenue depuis l'Autorité des marchés financiers, avait révélé plusieurs manques comptables et réglementaires, a témoigné l'un des enquêteurs, hier, au jour deux du procès criminel de cinq ex-adjoints de Vincent Lacroix.

Et durant cette inspection qui a duré un mois, au siège social de Norbourg au centre-ville de Montréal, l'obtention des documents à examiner fut par moment «plutôt laborieuse», a commenté Aubert Gagné, qui était alors inspecteur à la CVMQ (Commission des valeurs mobilières du Québec) après une longue expérience en vérification comptable.

M. Gagné a notamment relaté un «incident» particulier de modification inusitée de documents de tenue de comptes chez Norbourg.

«Nous avons obtenu des documents que nous avons photocopiés pour les mettre à notre dossier. Mais en rentrant le lendemain, nous avons constaté que des chiffres avaient été changés dans les documents originaux, qui étaient pourtant encore à la même place que la veille sur notre table de travail», a expliqué M. Gagné après une question d'un procureur de la Couronne.

Par ailleurs, cette inspection a aussi révélé de nombreuses divergences de chiffres et d'informations entre ce qui était promu par les dirigeants de Norbourg à l'époque, en particulier Vincent Lacroix, et ce que l'on pouvait retracer dans les documents comptables et réglementaires de l'entreprise.

Au bout du compte, le rapport d'inspection signé par Aubert Gagné et son collègue d'alors à la CVMQ, Vincent Mascolo, concluait à des informations encore «insuffisantes» pour répondre à plusieurs questions.

Client suisse

Entre autres, les inspecteurs s'interrogeaient sur la provenance des fonds du principal client de Norbourg à l'époque, qui était une firme suisse, Tercio Trust S.A.

«Et par le fait même, sur la provenance des fonds ayant servi à mettre sur pied la firme (Norbourg) et à financer ses opérations», lit-on dans le rapport.

Or, ce client principal d'origine suisse était en fait une entreprise dont Vincent Lacroix et trois de ses oncles étaient parmi les actionnaires déclarés.

De plus, les inspecteurs de la CVMQ ont relevé plusieurs transactions de fonds entre Tercio Trust et Norbourg qui les avaient amenés à douter même de leur légalité.

«Nous n'avons pas l'assurance complète que NSF (Norbourg Services Financiers) respecte toutes les règles établies en matière d'impôt sur le revenu et de contrôle des activités de blanchiment d'argent», lit-on dans le rapport.

Mais en cour, hier, lorsqu'interrogé par l'un des cinq avocats de coaccusés sur la suite de ce rapport d'inspection, Aubert Gagné a refusé de s'avancer sur la nécessité d'une enquête formelle.

«Ce n'est pas une décision qui était de mon ressort en tant qu'inspecteur. Nous avons juste raconté les faits dans un rapport destiné à l'interne», a dit M. Gagné, qui est aujourd'hui à la retraite.

Un peu plus tôt, en réponse à une question semblable d'un autre avocat de la défense, Aubert Gagné avait indiqué que «c'était très compartimenté à l'époque à la CVMQ, entre les services d'inspection et ceux des enquêtes».

Le témoignage de cet ex-inspecteur de la CVMQ devrait se conclure ce matin au procès dirigé par le juge Richard Wagner, de la Cour supérieure.

Est attendu ensuite comme autre témoin de la Couronne l'un des oncles de Vincent Lacroix, Robert Simoneau, parmi les membres de sa famille qui ont été impliqués dans les affaires de Norbourg.

Robert Simoneau est un entrepreneur en ventilation à succès qui fut l'un des principaux coactionnaires des entreprises de son neveu. Il figure aussi parmi les principaux clients en placement chez Norbourg au moment de l'inspection de la CVMQ, à l'automne 2002.