Hydro-Québec s'est montrée relativement généreuse en offrant 615 millions de dollars pour acquérir la participation de 60 pour cent que détenait la forestière AbitibiBowater dans la Compagnie hydroélectrique Manicouagan, indique un rapport du cabinet comptable Ernst & Young.

Selon le document, déposé au début de la semaine devant le tribunal qui supervise la restructuration judiciaire d'AbitibiBowater, la somme proposée par Hydro équivaut à 9,28 fois le bénéfice avant intérêts, impôts et amortissement (BAIIA) de la Compagnie hydroélectrique Manicouagan prévu pour 2011, soit 111 millions de dollars.

Or, les ratios équivalents pour un groupe de sociétés énergétiques canadiennes inscrites en bourse s'élevaient en moyenne à 7,94 fois le BAIIA à la fin août, tandis que la médiane établissait à 8,23 fois le BAIIA.

Ernst & Young, contrôleur d'AbitibiBowater, a souligné dans son rapport qu'il n'existait aucune entreprise publique «directement comparable» à la Compagnie hydroélectrique Manicouagan, qui ne gère qu'une seule installation, le barrage McCormick, d'une capacité de 350 mégawatts.

Le cabinet comptable a tout de même estimé que des entreprises comme TransAlta (TSX:TA), Energie renouvelable Brookfield [[|ticker sym='T.BRC.UN'|]], Epcor [[|ticker sym='T.EP.UN'|]], Innergex Energie [[|ticker sym='T.IEF.UN'|]] et le Fonds de revenu Boralex Energie [[|ticker sym='T.BPT.UN'|]] étaient suffisamment similaires à la Compagnie Manicouagan pour qu'une comparaison puisse être faite.

Ernst & Young a en outre comparé la valeur de différentes transactions effectuées au comptant au cours des cinq dernières années pour des actifs hydroélectriques. Il en est ressorti un prix médian et moyen par MW de puissance installée de 1,6 et 1,8 million respectivement, alors que le prix de 615 millions offert par Hydro-Québec revient à 3,1 millions du MW.

La somme proposée par la société d'État apparaît donc «raisonnable» aux yeux d'Ernst & Young, dont le rôle dans ce dossier est de protéger les intérêts des créanciers d'AbitibiBowater.

Ernst & Young reconnaît qu'il y avait peu d'acheteurs potentiels pour la Compagnie Manicouagan, du fait que son activité est étroitement réglementée par la législation québécoise et que ses principaux clients, AbitibiBowater et Alcoa, ont droit à des tarifs préférentiels. Alcoa disposait d'un droit de première offre, mais ne s'en est pas prévalu.

Chez Hydro-Québec, on nie que la transaction puisse représenter un cadeau pour AbitibiBowater.

«C'est une bonne transaction pour les deux parties», a commenté un porte-parole, Marc-Brian Chamberland, dans un courriel.

Il reste qu'en mars dernier, Claude Béchard, alors ministre des Ressources naturelles, avait présenté la transaction comme une «bonne affaire» pour Hydro, mais aussi comme une façon d'«aider AbitibiBowater».

Alcoa

Le rapport comptable précise que des 615 millions dollars, une somme d'au moins 25 millions sera versée à Alcoa pour rembourser les impôts que le producteur d'aluminium américain devra payer dans le cadre de la transaction. Alcoa détient 40 pour cent de la Compagnie hydroélectrique Manicouagan et la transaction, qui s'effectuera au moyen d'un transfert d'actifs, et non d'actions, se traduira pour l'entreprise par une charge exceptionnelle d'impôts.

En vendant sa participation dans la Compagnie Manicouagan, Abitibi devra payer l'électricité qu'elle y achète aux prix du marché, ce qui représentera une augmentation de 28 millions en 2010 pour son usine de Baie-Comeau, d'après Ernst & Young. AbitibiBowater assure toutefois que l'usine est capable d'absorber cette hausse tout en restant compétitive.

Pour l'entreprise, les installations de Baie-Comeau sont stratégiques puisqu'elles sont situées à proximité du fleuve Saint-Laurent. Comme AbitibiBowater veut miser de plus en plus sur les marchés hors Amérique du Nord, il s'agit d'un atout de taille.

La forestière compte utiliser quelque 138 millions issus de la transaction pour rembourser le financement intérimaire qu'elle a reçu au Canada dans le cadre de sa restructuration judiciaire et qui expire le 1er novembre.

AbitibiBowater a par ailleurs annoncé mercredi son intention de vendre, pour 20,5 millions de dollars américains, une usine de papier de Lufkin, au Texas, dont les activités ont été interrompues de façon permanente. La transaction permettrait à l'entreprise d'économiser environ 3 millions par année en frais d'exploitation.