L'enquête comptable visant à retracer les millions de dollars qui auraient été détournés par le faux conseiller financier Earl Jones progresse malgré les embûches documentaires, selon le syndic qui supervise l'affaire.

Par conséquent, les quelque 150 victimes présumées de Jones peuvent encore espérer connaître les résultats de cette enquête «d'ici 30 jours», selon Gilles Robillard, de la firme RSM Richter.

Ce rapport d'enquête comptable qui découle des faillites d'Earl Jones et de sa firme de gestion est très attendu par les ex-clients du faux conseiller, même si leur espoir de recouvrement s'annonce encore minime.

Aussi, le procès au criminel de Jones pour des accusations de fraude et de vol, qui devait commencer incessamment, sera probablement retardé de plusieurs semaines, sinon quelques mois.

Sa prochaine comparution judiciaire était attendue pour lundi prochain, 28 septembre. C'est deux mois après son arrestation, sa mise en accusation et sa remise en liberté sous caution.

Toutefois, l'avocat de Jones, Jeffrey Boro, prévoit se présenter seul en cour. Et ça sera pour débattre d'une requête de report du début du procès à une date indéterminée.

La principale raison? L'avocat soutient ne pas avoir encore reçu toute la documentation de preuve de la part des procureurs de la Couronne afin de préparer la défense d'Earl Jones.

Mais selon le principal porte-parole des victimes présumées, Kevin Curran, c'est du côté de l'enquête criminelle de la Sûreté du Québec que les progrès seraient moins rapides que souhaité, en raison de l'absence de nombreux documents comptables.

«Pour plusieurs ex-clients de Jones, il n'y aurait aucune trace comptable des fonds qu'ils lui ont confiés», a indiqué Kevin Curran au quotidien The Gazette, plus tôt cette semaine.

À la Sûreté du Québec, on décline tout commentaire sur l'état de l'enquête pour étoffer les huit accusations de fraude et de vol qui ont déjà été inscrites contre Earl Jones.

On le soupçonne d'avoir détourné au moins 75 millions de dollars qui lui avaient été confiés au fil de nombreuses années par quelque 150 clients, presque tous des résidants et leur famille de la banlieue ouest de Montréal.

Quant à l'enquête comptable, on indique au bureau du syndic que les interrogatoires sous serment de certains témoins-clés ont commencé.

Le principal comptable externe du faux conseiller financier, Pierre Courchesne, a été interrogé mercredi dernier.

Et hier, c'était au tour des trois employés de la firme de gestion d'Earl Jones, qui avait ses bureaux à Pointe-Claire.

La femme d'Earl Jones, Maxine, que des victimes présumées soupçonnent d'avoir profité des fonds disparus, subira son interrogatoire sous serment mardi prochain, le 29 septembre.

Quant à l'interrogatoire d'Earl Jones lui-même, le syndic Gilles Robillard ne le prévoit encore qu'à la toute fin de son enquête comptable.

«D'autres interrogatoires doivent aussi être planifiés», a-t-il indiqué par courriel à La Presse Affaires.

Entre-temps, le syndic et ses adjoints poursuivent l'examen des nombreux documents obtenus de la Banque Royale, qui était le principal intermédiaire financier utilisé par Earl Jones.

Par ailleurs, à propos des propriétés du couple Jones, dont Earl Jones a été évincé après saisie il y a 10 jours, leur mise en vente se prépare avec des agents.

Toutefois, le syndic tente encore de s'entendre avec Mme Jones pour qu'elle retire ses effets personnels des propriétés au Québec. Il s'agit de deux condominiums luxueux, l'un sur la rive du lac Saint-Louis à Dorval et l'autre à Mont-Tremblant, dont l'évaluation foncière totalise 1 million de dollars.

Le couple Jones possédait aussi deux autres propriétés résidentielles de moindre valeur à Hyannis, au Cape Cod, ainsi qu'à Boca Raton, en Floride.

Pour les créanciers d'Earl Jones, cependant, la valeur nette de la revente éventuelle de ces propriétés s'annonce tout au plus de l'ordre du demi-million de dollars, après remboursement des hypothèques.

Et comme il s'agit des principaux actifs résiduels de Jones retracés jusqu'à maintenant, les chances de recouvrement de ses victimes présumées demeurent minimes.

De plus, selon l'Autorité des marchés financiers (AMF), les ex-clients de Jones ne seraient pas admissibles aux fonds d'indemnisation du secteur financier parce que ni lui ni sa firme n'étaient enregistrés à titre de conseillers financiers.