Vincent Lacroix a plaidé coupable aux 200 chefs d'accusation qui pesaient sur lui, tôt lundi matin, se soustrayant ainsi à un procès qui promettait d'être encore une fois fort médiatisé.

Le fondateur de Norbourg reconnaît donc que, entre 2002 et 2005, il a comploté, fraudé, fabriqué de faux documents et profité des produits de ces crimes. Dans l'affaire, 9200 petits investisseurs ont perdu environ 115 millions de dollars.

Lundi matin, dès après son plaidoyer, Lacroix a immédiatement été incarcéré, sur ordre du juge Richard Wagner. Celui qui était à quelques jours de sa libération de la peine reçue dans son procès pénal était préparé. Il était arrivé au palais de justice habillé de façon décontractée, en chaussures sport, son petit bagage à la main.

Protection

Son avocate, Marie-Hélène Giroux, a demandé au juge que l'ex-homme d'affaires soit mis sous protection. «Il a eu des problèmes lors de son incarcération précédente», a fait valoir Me Giroux lors d'un point de presse, un peu plus tard. Invitée à parler de ces problèmes, Me Giroux a donné à titre d'exemple le fait qu'on avait mis «de la drogue dans sa cellule.»

La rumeur disait depuis un certain temps qu'il allait plaider coupable, mais Lacroix a pris beaucoup de gens au dépourvu en passant à l'acte aussi vite, pratiquement en catimini. Cela s'est fait un peu avant 9h lundi matin, au cours d'une conférence de gestion, environ trois quarts d'heure avant que ne débute la sélection du jury du procès qu'il devait avoir avec cinq autres accusés, ex-collaborateurs de Norbourg.

Cette sélection a d'ailleurs commencé comme prévu par la suite puisque le procès de ces cinq accusés doit toujours avoir lieu. Le départ de Lacroix semble faire l'affaire des autres accusés. «Le vrai coupable a plaidé coupable», a fait valoir Me Pierre Panaccio, avocat de Serge Beugré, en sortant de la salle d'audience, lundi matin. «C'est une bonne nouvelle pour mon client», a pour sa part indiqué Me André Lapointe, avocat de Félicien Souka.

Lacroix aurait décidé de plaider coupable après le rejet de sa requête en arrêt du processus judiciaire, il y a deux semaines. Cette requête visait à faire sauter la majeure partie des

accusations criminelles au motif qu'il avait déjà été jugé pour cela lors de son procès pénal. Dans son jugement rendu le 9 septembre dernier, le juge Wagner avait décidé de maintenir toutes les accusations.

Peine

Les observations sur la peine auront lieu vendredi. Me Giroux demandera entre 10 et 12 ans de prison à purger de façon concurrente avec la peine de cinq ans qui a été infligée à Lacroix au pénal. La Couronne demandera le maximum de la peine pour fraude, soit 14 ans. Les procureurs de la Couronne Serge Brodeur et Julie Riendeau ont fait de brèves déclarations à l'issue de la courte audience hier matin, confirmant simplement que Lacroix avait plaidé coupable et qu'il n'y aurait pas de suggestion commune.

Soulignons enfin que, en fin de journée lundi, 10 des 12 jurés chargés de juger les cinq accusés restants avaient été choisis. Ce matin, les candidats continueront de défiler. Comme le procès ne doit commencer que la semaine prochaine, deux jurés substituts seront aussi nommés.

Rappelons que Serge Beugré, ex-directeur général de Norbourg, Jean Cholette, teneur de livres, Félicien Souka, informaticien, Rémi Deschambault, comptable agréé, et Jean Renaud, ex-fonctionnaire du ministère des Finances, font face, à des degrés divers, à des accusations de fraude, de fabrication de faux, de complot et de disposition de produits de la criminalité.

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Les complices présumés et coaccusés



SERGE BEUGRÉ


44 ans

174 chefs d'accusation

FONCTION

Vice-président et directeur général de Norbourg

ANTÉCÉDENTS

Ex-collègue de V. Lacroix à la Caisse de dépôt et placement. Principal stratège financier de Norbourg et directeur des affaires en Suisse, par la filiale Eurobourg. Chef présumé de l'équipe de faux documents réglementaires, surnommée le "quart de nuit " par Lacroix.

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FÉLICIEN SOUKA


38 ans

174 chefs d'accusation

FONCTION

Informaticien-chef chez Norbourg

ANTÉCÉDENTS

Auteur présumé de logiciels spéciaux de manipulations de données et de falsification de documents chez Norbourg. Il bénéficie d'une aide spéciale de l'État pour ses frais d'avocat.

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JEAN CHOLETTE

46 ans

150 chefs d'accusation

FONCTION

Contrôleur comptable interne chez Norbourg

ANTÉCÉDENTS

Proche de V. Lacroix qui lui avait confié la tenue des livres de Norbourg, malgré un simple diplôme de secondaire. Il bénéficie de l'aide juridique par ordre de Cour, après un refus initial. En faillite personnelle depuis août 2007 et présumé sans emploi depuis.

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JEAN RENAUD

41 ans

93 chefs d'accusation

FONCTION

Conseiller fiscal chez Norbourg, ex-fonctionnaire au ministère des Finances du Québec

ANTÉCÉDENTS

Ex-compagnon de classe et de sport de V. Lacroix à l'Université de Sherbrooke. Au ministère des Finances, il aurait traité des demandes de subventions de Norbourg. Il aurait profité d'un congé prolongé pour devenir conseiller et falsificateur fiscal présumé chez Norbourg.

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RÉMI DESCHAMBAULT



58 ans

131 chefs d'accusation

FONCTION

Vérificateur comptable externe pour Norbourg

ANTÉCÉDENTS

Il aurait falsifié les états financiers des fonds Norbourg. Auteur présumé des détournements de fonds et des transactions immobilières au bénéfice de V. Lacroix par l'entremise de la caisse populaire de La Prairie, dont il était membre du conseil.

Sources : documents juridiques, archives La Presse.