Consommateur trop endetté, vous envisagez la faillite personnelle pour vous libérer de vos dettes en quelques mois à peine? Détrompez-vous.

Dès aujourd'hui, des amendements à la législation fédérale des faillites entrent en vigueur afin de forcer les particuliers insolvables à négocier avec leurs créanciers, plutôt que de déclarer faillite avec l'espoir de se libérer rapidement de leurs dettes.

«Il y a encore cette perception dans le public. Mais c'est maintenant fini, ça. Les délais minimaux de libération sont deux à trois fois plus longs qu'auparavant», résume Pierre Fortin, syndic en faillite personnelle chez Fortin & Associés.

Ainsi, le délai minimal de libération pour un individu à sa première faillite passe de neuf à 21 mois. C'est presque deux ans de purgatoire financier, au lieu de quelques mois.

Et lors d'une faillite subséquente, ce délai minimal de libération triple carrément. Il est désormais de 36 mois au lieu de 12 mois auparavant. C'est donc un purgatoire financier de trois ans qui attend les consommateurs trop dépensiers et récidivistes.

«Ces modifications visent surtout à dissuader les abus de faillites à répétition de la part de certains consommateurs», note Pierre Fortin.

Une exception est prévue pour les particuliers à revenus modestes. Dans ce cas, le délai minimal de libération d'une première faillite demeure à neuf mois. Mais il double de 12 à 24 mois pour les fois subséquentes.

Toutefois, note M. Fortin, la définition de «revenu modeste» est laissée à Statistique Canada. Ça signifie un maximum de 2000$ par mois (après impôt) pour une personne seule, et jusqu'à 4100$ par mois pour une famille de deux adultes et trois enfants.

«C'est vraiment le seuil inférieur de la classe moyenne. En pratique, ça veut dire que la majorité des cas de faillites personnelles seront au-dessus, et donc soumis aux délais de libération désormais plus longs», résume Pierre Fortin.

En contrepartie, dit-il, les amendements à la législation fédérale devraient faciliter la négociation entre les consommateurs insolvables et leurs créanciers, dans le but de convenir d'un remboursement par paiements périodiques.

D'ailleurs, la limite de dette totale d'un particulier pour accéder à de telles négociations à l'amiable est rehaussée considérablement, de 75 000$ à 250 000$.

Au-delà, une personne insolvable devra encore passer par un processus de faillite judiciarisée.

«C'est beaucoup plus long et compliqué que la négociation d'un règlement, même partiel, entre un particulier insolvable et ses créanciers», selon M. Fortier.

Par ailleurs, pour rehausser l'attrait d'un tel règlement négocié, la législation amendée proscrit la saisie de la résidence et du véhicule personnel d'un particulier insolvable, par les créanciers garantis de ces biens, tant que cette personne poursuit ses paiements en vertu de l'entente avec ces créanciers.

Et si cette période demeure plafonnée à cinq ans, elle est désormais assortie de la possibilité de rouvrir l'entente avec les créanciers en cas d'une autre situation d'insolvabilité par le particulier.

Par ailleurs, notent les syndics consultés, l'objectif de faciliter les négociations entre les créanciers se retrouve aussi derrière les modifications législatives à propos de l'insolvabilité des entreprises.

«Ces changements permettent enfin une meilleure harmonisation entre les deux lois qui affectent les entreprises: la Loi sur les faillites et la Loi sur les arrangements avec les créanciers (accessible au passif de plus de 5 millions). Ça fait des années qu'on attendait ça», résume André Hébert, comptable spécialisé en insolvabilité chez RSM Richter.

D'emblée, ces changements législatifs s'avèrent plus techniques dans le cas des entreprises que pour les consommateurs.

Toutefois, un amendement en particulier concerne les salariés de toute entreprise en difficultés financières.

Désormais, lorsqu'elle sera en restructuration financière sous supervision judiciaire, une entreprise qui souhaite réduire ses coûts de main-d'oeuvre sera obligée de passer par des négociations à l'amiable avec les représentants de ses employés. Et de telles négociations pourront être ordonnées par le tribunal, en cas de refus de l'une ou l'autre des parties, syndicale ou patronale.

 

PRINCIPAUX CHANGEMENTS

Pour les particuliers:

> Allongement considérable des délais minimaux de libération d'une faillite :

de neuf à 21 mois pour la première fois, de 12 à 36 mois lors des suivantes.

Pour les faillis à revenus modestes, le délai minimal reste à neuf mois la première fois, mais double de 12 à 24 mois les fois suivantes.

> Abrogation du droit de saisie de maison et de véhicules personnels par les créanciers garantis de ces biens, tant que leur propriétaire insolvable poursuit

ses paiements de règlement convenus avec tous ses créanciers.

> Triplement de la limite de dette totale (de 75 000 à 250 000$) pour l'accès au processus à l'amiable de proposition aux créanciers, au lieu d'une faillite.

> Possibilité de rouvrir une proposition aux créanciers en cas de nouvelle insolvabilité durant la période convenue de paiements d'un règlement.

Pour les entreprises:

> Harmonisation des procédures entre la Loi sur l'arrangement avec les créanciers (LACC) et la Loi sur la faillite et l'insolvabilité (LFI).

> Possibilité d'annulation de contrats d'affaires considérés défavorables, lors d'une restructuration d'insolvabilité supervisée en justice. S'ajoute à l'annulation courante de baux immobiliers.

> Possibilité d'ordre de Cour pour forcer des négociations syndicales patronales avant toutes modifications aux conventions collectives chez un employeur insolvable. Assouplit l'interdit antérieur de telles modifications.

> Protections et exigences professionnelles accrues pour les comptables d'entreprise, les syndics et les contrôleurs de restructuration d'insolvabilité. Vise l'élimination de conflits d'intérêts.

> Restrictions à la reprise d'actifs d'entreprises insolvables par ses administrateurs précédents, jusqu'à la preuve en Cour de la meilleure transaction possible pour les tous les créanciers.

Sources : firmes de syndics (J. Fortin & Associés, RSM Richter)