AbitibiBowater poursuit la pénible rationalisation de ses activités: la papetière a annoncé jeudi qu'elle allait suspendre sa production pour une durée indéterminée dans cinq usines, dont deux au Québec, à partir du 31 octobre.

Les syndicats craignent que ces fermetures ne deviennent permanentes, comme cela a été le cas pour les usines de Shawinigan (Belgo) et de Donnacona, ces dernières années.

«L'entreprise avait annoncé qu'elle allait couper au-delà d'un million de tonnes sur le marché et qu'elle allait cesser de faire des arrêts temporaires pour plutôt faire des arrêts indéterminés, alors c'est sûr qu'on s'attendait à des mauvaises nouvelles, mais on souhaite toujours que ça ne soit pas chez nous», a commenté Renaud Gagné, vice-président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier (SCEP), au cours d'un entretien téléphonique.

Le coup le plus dur est porté à l'usine de papier pour impression numérique de Beaupré, où l'on cessera complètement les activités, ce qui enverra au chômage quelque 340 employés.

À Clermont, dans Charlevoix, l'entreprise fermera l'une de ses deux machines à papier journal, ce qui affectera 120 travailleurs.

À Fort Frances, en Ontario, l'usine de papiers d'impression commerciale suspendra ses activités, entraînant la mise à pied de 75 personnes.

À Coosa Pines, en Alabama, l'usine de papier journal interrompra sa production, privant de travail 85 employés.

Enfin à Brooklyn, en Nouvelle-Ecosse, AbitibiBowater réduira de moitié la production de son usine de papier journal, de sorte que 300 employés verront leurs semaines de travail réduites.

Ces mesures permettront à AbitibiBowater de diminuer sa capacité de 750 000 tonnes de papier par année, ce qui porte à 1,3 million de tonnes la réduction totale à ce jour.

Renaud Gagné ne serait pas surpris que l'entreprise procède à d'autres arrêts de production au cours des prochains mois. «La direction semblait dire (jeudi) que ce n'était pas terminé, a-t-il affirmé. C'est donc très, très inquiétant.»

M. Gagné reconnaît néanmoins que face à la surcapacité de production, AbitibiBowater doit «rationaliser» ses activités.

Mais ce que les syndicats redoutent par-dessus tout, c'est la faillite pure et simple d'AbitibiBowater, qui se traduirait par la disparition de quelque 7500 emplois au Québec. C'est sans compter que les 9000 retraités de l'entreprise montréalaise pourraient voir leurs rentes amputées du tiers en raison de l'important déficit actuariel de leur régime de pensions, qui s'élève à 1,5 milliard de dollars.

Les syndicats veulent que le gouvernement du Québec envisage de se porter acquéreur d'AbitibiBowater, une possibilité qui demeure cependant purement théorique à l'heure actuelle.

Gaétan Ménard, secrétaire-trésorier du SCEP, a prétendu que les fermetures annoncées jeudi auraient pu être évitées si le gouvernement fédéral avait offert des garanties de prêts aux forestières.

Le SCEP réclame la création d'un groupe de travail fédéral-provincial, avec participation syndicale, dans chacune des collectivités touchées par les fermetures afin de s'assurer que la capacité de production des usines affectées ne soit pas «détruite» et de trouver un nouveau propriétaire pour les installations.

AbitibiBowater est en restructuration judiciaire depuis avril. Au deuxième trimestre, qui a pris fin le 30 juin, la société a essuyé une perte nette de 510 millions de dollars américains, alors que ses revenus ont plongé de 39 pour cent par rapport à la même période de l'an dernier.