Critiquée pour avoir été incapable de démasquer à temps Vincent Lacroix et Earl Jones, l'Autorité des marchés financiers (AMF) annoncera cet automne un train de mesures pour sensibiliser les investisseurs aux risques de fraude.

L'organisme réglementaire veut en quelque sorte profiter du climat de peur qui s'est installé cet été dans la foulée de l'affaire Jones pour mieux se faire connaître et «accentuer» son message de prévention auprès des consommateurs de produits financiers, a indiqué Sylvain Théberge, porte-parole de l'AMF, au cours d'un entretien téléphonique. À la fin du mois ou au début octobre, l'AMF lancera une nouvelle version de son site Web, qui centralisera et simplifiera la recherche dans les registres regroupant les différents intervenants inscrits du secteur financier. À l'heure actuelle, l'usager doit choisir entre deux registres, l'un pour le domaine de l'assurance et des fonds communs de placement, l'autre pour les courtiers en actions et en obligations.

«Ce dont plusieurs personnes se sont aperçues cet été, c'est que finalement, elles étaient bien souvent des victimes potentielles faciles en n'ayant pas le réflexe de vérifier préalablement si (leur conseiller financier ou leur titre de placement) était bien enregistré auprès de l'Autorité», a souligné M. Théberge.

«Si on prend un certain nombre de jours ou de semaines pour magasiner un voyage ou une voiture, la même chose s'imposerait certainement pour des produits financiers», a-t-il ajouté.

L'AMF songe en outre à lancer une campagne de publicité dans les médias au cours de l'automne. Des voix avaient réclamé une telle initiative à la suite de l'éclatement du scandale Lacroix, en 2005, mais en vain.

L'organisme vise plus particulièrement trois groupes: les jeunes du deuxième cycle du secondaire et du collégial, les préretraités ainsi que les retraités. Au cours des prochains mois, l'AMF organisera des activités pour les rejoindre et attirer l'attention sur son abondante documentation. On travaillera en collaboration avec les institutions d'enseignement, les syndicats et les regroupements de retraités, dans toutes les régions du Québec.

L'objectif, c'est qu'une «lumière rouge» s'allume dans la tête des investisseurs qui se font offrir des rendements mirobolants et garantis, a expliqué le porte-parole de l'AMF.

Recherche active?

Il reste que plusieurs observateurs se sont étonnés que l'organisme ne cherche pas à débusquer avec plus d'ardeur les individus qui se donnent des titres rassurants, comme l'a fait Earl Jones en se faisant appeler «conseiller administratif», sans être officiellement inscrits. Sylvain Théberge n'a pas exclu que l'AMF change ses pratiques à cet égard, mais il a soutenu qu'il ne s'agissait pas d'une tâche facile.

«Sous la rubrique «finances personnelles» (des Pages Jaunes ou du Registre des entreprises du Québec, distinct des répertoires de l'AMF), il peut y avoir beaucoup de gens qui pour plusieurs, n'ont peut-être même pas besoin d'être inscrits à l'Autorité en raison de dérogations ou du type d'activités qu'ils exercent», a affirmé M. Théberge.

Le porte-parole a rappelé que la lutte contre la fraude financière était une «responsabilité partagée» entre les autorités réglementaires et les citoyens.

«La meilleure protection de l'investisseur, c'est encore l'investisseur lui-même», a-t-il noté.

Par ailleurs, la Sûreté du Québec et l'AMF doivent annoncer, dimanche, la création de deux escouades spécialisées pour contrer la corruption dans l'industrie de la construction et les «criminels à cravate», a rapporté Cyberpresse vendredi.

L'AMF veut toutefois éviter de susciter une «méfiance exagérée» à l'encontre du secteur financier qui, selon elle, «est sain et va bien».

«Le danger avec des cas aussi exceptionnels que graves que celui d'Earl Jones, c'est qu'ils deviennent l'arbre qui cache la forêt», a relevé Sylvain Théberge.

Earl Jones est accusé d'avoir fraudé une centaine d'investisseurs pour un montant dépassant les 70 millions de dollars, tandis que Vincent Lacroix a été reconnu coupable d'avoir contrevenu à 51 chefs d'accusation pour avoir escroqué plus de 130 millions à plus de 9000 investisseurs. Les deux devront subir des procès criminels.