Fatigués d'entendre parler de grands projets d'infrastructure? Vous en avez peut-être encore pour longtemps. Parce que selon les analystes, le boom risque de durer bien au-delà du coup d'accélérateur donné par les gouvernements pour dégeler l'économie. Et avis aux investisseurs: ça pourrait vouloir dire des occasions de placement.

«Même lorsque les mesures de relance disparaîtront avec le retour à la normale de l'économie mondiale, une conjonction de forces contribuera à favoriser les dépenses d'infrastructure sous toutes ses formes», écrit la banque UBS dans un rapport publié hier.

 

Les raisons de ce boom prolongé sont simples: les infrastructures des pays développés arrivent en fin de vie et requièrent d'importants investissements, tandis que celles des pays en voie de développement restent encore à être érigées pour soutenir la croissance démographique et économique.

«Est-ce que l'infrastructure va continuer? Absolument, confirme Benoît Caron, analyste en ingénierie et infrastructure à la Financière Banque Nationale. Après les quelques années de stimulus, on n'aura pas fait 20% de ce qui est à faire. Quand les édifices s'écroulent, quand les conduits d'eau pètent, quand le béton tombe du Marriott sur les gens et que les ponts s'affaissent au Québec, au Minnesota et en Ontario, ça veut dire qu'il faut faire quelque chose.»

La question à plusieurs milliards de dollars est évidemment la suivante: quand les gouvernements endettés cesseront d'injecter l'argent à grands coups de milliards, qui le fera?

UBS fait le pari que le privé prendra le flambeau.

«Le secteur privé semble disposé à prendre la place des États à court de financement afin d'assurer la construction des infrastructures indispensables, écrit la banque suisse. La vente ou la concession d'actifs devraient se généraliser pour limiter la hausse de la dette et trouver du financement.»

Carlos Leitao, économiste à la Banque Laurentienne, apporte toutefois un bémol.

«Il y a quand même eu un changement important qui a eu lieu il y a un an exactement, et c'est un choc financier majeur. Ça a changé les façons de se financer. Avant septembre 2008, on trouvait du financement facilement. Je ne suis pas sûr que ce sera le cas dans les années à venir pour les infrastructures, même si les besoins sont criants.»

Benoît Caron, de la Nationale, souligne qu'au Québec en particulier, les entreprises ont très peu d'intérêt à investir pour construire une route entre Chibougamau et le Lac-Saint-Jean. Ce sont encore les fonds publics qui devront s'en acquitter.

L'analyste note à ce sujet un écart entre le pouvoir de taxation des municipalités (8% de l'assiette fiscale) et du budget d'infrastructure dont elles doivent s'acquitter (52% selon ses chiffres). «Il va y avoir des changements au niveau de la taxation, c'est pratiquement inévitable», dit-il.

UBS souligne qu'une vague prolongée d'investissements en infrastructure amènera d'intéressantes opportunités de placement. Benoît Caron, de la Financière, souligne l'existence des fonds communs en infrastructure. «Ça offre un panier de 30 à 50 compagnies dans le domaine», dit-il.

«Une compagnie comme SNC-Lavalin, ce n'est pas demain matin que ça va arrêter, les contrats, dit-il aussi. De toutes les compagnies que je couvre, SNC est la société qui a les tentacules les plus longues et les plus diversifiées à travers la planète pour donner une exposition à l'infrastructure.»

Denis Durand, associé principal chez Jarislowsky-Fraser, note cependant qu'il y a «peu de représentation de l'infrastructure sur le marché boursier canadien». Il mentionne des noms comme le géant français Lafarge, inscrite sur Euronext Paris, ou la firme américaine Fluor, dont le titre se négocie à la Bourse de New York.