Le long combat de Claude Robinson contre Cinar a été, selon ses propres mots, «une épreuve monumentale». Mais il en a valu la peine.

«Le juge vient de me redonner mon oeuvre», s'est réjoui M. Robinson hier matin, lorsqu'il a rencontré les journalistes aux portes du palais de justice de Montréal.

Il a affirmé que le langage sévère du jugement était à la hauteur du délit des Charest, Weinberg et compagnie.

«Ce que le juge écrit est tout à fait juste, a-t-il soutenu. Ces gens-là sont des bandits en cravate; ils ont menti, ils ont trafiqué des documents. Il y a là une arrogance profonde, un mépris des autres.»

Il a ajouté que le jugement allait donner des outils aux autres créateurs. «Ma grande crainte, c'était d'avoir un jugement qui vienne amoindrir la protection des créateurs, ça me terrorisait», a-t-il admis.

Il a également avoué aux journalistes qu'il avait douté «tous les matins, tous les soirs». «On me demandait de faire confiance à la justice, mais après 14 ans ce n'était pas facile, a-t-il indiqué. Il y avait beaucoup de raisons de se décourager. Toutes les procédures que j'avais dans la face, c'était phénoménal.»

Il a toutefois affirmé qu'il n'avait pas eu le choix et qu'il devait se battre: «C'était mon visage qui était à l'écran. Ce n'était pas juste une création qui avait sa vie propre. J'avais dessiné mon visage et ils ont copié cela. C'était une partie de moi-même, personne ne pouvait me le voler.»

Ce n'était donc pas une simple question d'argent. «C'était plus profond que cela.»

Il a indiqué qu'il n'avait pas encore calculé les sommes qu'il était susceptible de recevoir, mais il espère être en mesure de s'acheter des crayons et des pinceaux. Pendant les 14 ans de son combat, M. Robinson a été incapable de créer. Il a toutefois recommencé à peindre il y a deux semaines, à l'occasion de vacances aux Éboulements: «Je me suis réconcilié avec mes petits pinceaux. Ce que ce jugement me permet, c'est d'aller dans un certain magasin m'acheter de beaux pinceaux et de belles toiles.»

Toutefois, pas question de revenir dans le monde des dessins animés et de la production télévisuelle. «C'est un milieu que je ne veux même pas toucher, a-t-il dit. Je vais faire mes petites toiles, mes petites peintures. Je ne veux pas dépendre d'un milieu où des sociétés d'État viennent défendre mes adversaires contre moi.»

Évidemment, un appel du jugement est une forte possibilité. Cela n'a pas démonté M. Robinson. «Ils ont le droit, a-t-il déclaré. Qu'ils y aillent. Après 14 ans, je suis habitué. Mais là, j'ai un jugement qui me donne raison, qui reconnaît que mon oeuvre est mon oeuvre.»

Il a tenu à souligner l'appui que lui ont apporté sa femme, ses amis et la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC) dans son combat.

La SARTEC avait amassé quelque 84 000$ pour aider M. Robinson à assurer sa défense. Elle salue maintenant sa victoire: «Nous sommes extrêmement contents, indique son directeur général, Yves Légaré. Quand on regarde le jugement, sa crédibilité vient d'être attestée, et celle de Cinar a été entachée. Nous continuons d'étudier le jugement, mais il est certain que c'est une très bonne nouvelle pour tous les auteurs.»