L'Autorité des marchés financiers (AMF) a finalement décidé d'instituer une enquête sur les activités de la Stanford Bank International au Québec, a appris La Presse Affaires.

Entre 2005 et 2009, la banque du financier Allen Stanford, accusé d'une gigantesque fraude, avait un bureau de représentation à Montréal. Le bureau n'avait pas de permis pour vendre des valeurs mobilières au Canada, mais avait l'assentiment du Bureau du surintendant des institutions financières pour faire la promotion de ses produits financiers.

 

En février dernier, lorsque le scandale a éclaté, l'AMF affirmait ne pas être concerné par l'affaire pour deux raisons. D'abord, l'organisme bancaire relevait d'une juridiction fédérale. Ensuite, les certificats de dépôts vendus par Stanford n'étaient pas considérés par l'AMF comme des valeurs mobilières.

Après réflexion, il appert que l'AMF a changé son fusil d'épaule. Dans une récente déclaration en Cour supérieure, l'organisme affirme qu'un «certificat de dépôt est une forme d'investissement soumis à la Loi sur les valeurs mobilières».

L'AMF a donc demandé à la Cour de pouvoir intervenir dans le dossier. Son intervention vise plus particulièrement un litige qui oppose les deux séquestres mondiaux nommés dans cette affaire, soit les séquestres d'Antigua et des États-Unis.

L'AMF réclame que les parties en présence coopèrent avec elle et lui fournissent notamment les informations qu'elle exige dans le cadre de son enquête. Le 5 août, le tribunal lui a accordé ce droit d'intervention.

À la mi-juin, Robert Allen Stanford et quatre dirigeants de la banque ont été formellement accusés de fraude aux États-Unis. Globalement, la fraude avoisinerait les 7,2 milliards US touchant quelque 28 000 clients dans 113 pays.

Au Canada, 224 investisseurs auraient placé 308,3 millions US dans la banque. Quelque 20 millions US ont été retrouvés dans des comptes de la Banque TD à Toronto.

En févier, La Presse Affaires avait révélé que deux des cinq employés de Montréal étaient exclusivement payés à commission, qui variait entre 0,5% et 1% du montant des certificats de dépôts vendus. La documentation pour l'achat d'un certificat de dépôt était remplie au bureau de Montréal puis envoyée dans le paradis fiscal d'Antigua, où se trouvait le siège social de la banque.

Une fois l'ouverture d'un compte confirmé, avait-on appris, l'argent était transféré électroniquement par l'entremise de la Banque TD ou HSBC. Le directeur du bureau de Montréal, Alain Lapointe, avait dit à La Presse qu'il ne considérait pas que ces activités constituaient des transactions bancaires.

Aujourd'hui, l'AMF enquête pour déterminer si des infractions à la Loi sur les valeurs mobilières ont été commises, est-il indiqué dans sa requête d'intervention. Elle se dit «particulièrement inquiète» des allégations faites par le séquestre américain selon lesquelles le séquestre d'Antigua aurait possiblement transféré des informations cruciales du bureau de Montréal vers Antigua et détruit les renseignements de l'ordinateur montréalais.

Il n'a pas été possible de connaître les détails de l'enquête de l'AMF, puisque la Cour a imposé le huis clos à l'audience et la mise sous scellé de la déclaration de l'enquêteur de l'AMF, Sébastien Garon. Cette confidentialité avait été réclamée par l'organisme de réglementation.

Toutefois, l'AMF a demandé et obtenu du séquestre d'Antigua la liste des employés de Montréal et leur adresse, de même que le matériel de marketing utilisé par le bureau de Montréal et des spécimens des certificats de dépôts et des documents d'ouverture de comptes de la banque. Il reste à voir si des accusations pénales suivront.