Pour une des rares fois depuis le début de la récession au pays, c'est le Québec qui joue le rôle du boulet. Sur les 45 000 emplois perdus en juillet au Canada, le Québec en compte 37 000. C'est plus de la moitié des pertes d'emploi totales de la province depuis octobre 2008, signe que la récession n'est pas tout à fait derrière nous.

Le taux de chômage est passé à 9,0%, du jamais vu depuis plus de cinq ans. Les 37 000 emplois perdus représentent la plus forte baisse mensuelle en 28 ans.

Pourtant, le Québec s'en tirait assez depuis le début du printemps. Mais les chiffres ne cadraient pas trop avec la situation économique et annonçaient plutôt un retour de balancier, selon Hélène Bégin, économiste senior au Mouvement Desjardins.

«Cette rechute ne constitue pas une surprise, estime-t-elle. L'ampleur de la baisse est toutefois plus importante que prévu et rappelle que la récession amorcée à la fin de 2008 n'est pas terminée.»

C'est surtout le secteur de l'hébergement et de la restauration qui a souffert pendant le mois juillet. Environ 14 500 personnes de ce domaine se sont retrouvées sur le carreau. L'industrie du transport et de l'entreposage, qui paie pour la baisse des exportations, est également touchée sévèrement.

Et le duo de choc mauvaise température et dollar canadien fort a sans doute provoqué plusieurs pertes d'emploi dans l'industrie touristique, note Hélène Bégin.

Pour Yanick Desnoyers, économiste en chef adjoint au Groupe financier Banque Nationale, le Québec ne fera pas concurrence à l'Ontario au chapitre des pertes d'emploi, tandis que la forte baisse de juillet est plutôt «un phénomène temporaire causé par des conditions climatiques extrêmes.»

Les grands perdants: les jeunes

C'est sans surprise que les jeunes sont les grands perdants de l'emploi en juillet. Ils sont généralement les derniers entrés dans les entreprises et les premiers sortis pendant les récessions. Et quand des secteurs comme l'hébergement, la restauration et le tourisme sont en difficulté, rien ne va plus.

Au Canada, 37 500 d'entre eux se sont fait montrer la porte en juillet. Le taux de chômage des étudiants est de 20,9%, le pire jamais enregistré. Et on apprenait la semaine dernière que le nombre de prestataires d'assurance-emploi de moins de 25 ans avait doublé dans la dernière année.

D'un point de vue strictement macroéconomique, le fait que les principaux reculs concernent les emplois d'été est la seule statistique réconfortante dans les circonstances, note l'économiste Douglas Porter, de BMO. «Mais essayez de dire à votre adolescent qu'il s'agit d'une bonne nouvelle», nuance-t-il.

La Fédération canadienne des étudiants s'inquiète des conséquences de cette situation. «Les étudiants n'ayant pas réussi à décrocher un emploi d'été cette année seront contraints de s'endetter davantage et pourraient ne pas avoir les moyens financiers de retourner aux études cet automne, a expliqué par voie de communiqué la présidente nationale Katherine Giroux-Bougard. Un emploi d'été, ce n'est pas un luxe. Ça sert à payer les comptes.»

Entre difficultés et optimisme

Qu'ils soient jeunes ou moins jeunes, les chercheurs d'emploi sont de plus en plus nombreux au Québec.

Chez Adecco, entreprise de services de ressources humaines, le nombre de CV déposés chaque mois a doublé, note la directrice pour le centre-ville de Montréal, Cynthia Guay. Mais le nombre d'entreprises qui cherchent des candidats a diminué de 30%.

«C'est très difficile pour les diplômés qui sont sortis de l'école en mai dernier, dit-elle. Ils sont obligés d'accepter des postes qui ne sont pas nécessairement reliés à leur formation.»

Mais ce déséquilibre de l'offre et la demande d'emploi, qui favorise les employeurs, ne durera pas trop longtemps, selon Mme Guay. «Ce sera très éphémère. C'est une question de mois, d'un an tout au plus, avant que la vapeur ne change de côté.»

De son côté, le vice-président exécutif (Québec) à l'agence de placement Randstad Canada, Marc-Etienne Julien, est surpris des statistiques révélées par Statistique Canada.

«Je ne l'ai pas vu venir. Je ne pense pas que c'est représentatif de l'ensemble du marché du travail.»

Dans les secteurs où oeuvre Randstad (industrie, administration), M. Julien est plutôt optimiste et a même noté une certaine effervescence en juillet.

«Dans le secteur industriel, où on observe généralement les premiers signes de reprise, ça va de mieux en mieux. On a beaucoup de projets qui nous viennent des secteurs alimentaire, pharmaceutique, du plastique et de la distribution.»