Les prix des matières premières se redressent à vue d'oeil, soulevant aussi ceux des matériaux recyclables hors du krach de l'automne dernier.

Conséquence: la crise de revenus qui menaçait la survie de plusieurs des 38 centres de tri de collecte sélective au Québec s'est largement résorbée, a constaté La Presse Affaires.

Soulagement pour les intervenants de cette industrie encore émergente, en particulier les quelque 1500 salariés directs des centres de tri.

Mais aussi pour les contribuables, municipaux et provinciaux, qui risquaient d'avoir à fournir des millions de dollars en aide d'urgence pour maintenir un système de premier plan en environnement.

«Les centres de tri ne sont plus en situation de crise grâce à la remontée des prix des matériaux recyclables, même s'ils demeurent fragiles financièrement», indique Réal Fortin, directeur de l'expoitation au Groupe Gaudreau, un important exploitant de centres de tri à Victoriaville et à Toronto.

De plus, M. Fortin préside le Comité des centres de tri à Réseau-Environnement, le plus important regroupement d'entreprises de ce secteur au Québec.

Exemple du redressement: le prix moyen des papiers et cartons recyclables, qui composent 82% des quelque 900 000 tonnes annuelles de collecte sélective selon Recyc-Québec, a remonté à 55$US la tonne.

C'est encore à la moitié du sommet de 110$US atteint avant le krach de l'automne, «un prix surgonflé de toute façon» selon M. Fortin.

Mais c'est tout autre chose que le «prix négatif» d'environ 20$US la tonne atteint au pire de la crise en début d'année.

À ce moment, les centres de tri devaient payer pour se débarrasser des papiers et cartons recyclables. C'est ce qui a en forcé plusieurs à les accumuler pendant des mois, plutôt que de s'en départir à coûts considérables.

Et encore ces temps-ci, le prix des papiers recyclables demeure inférieur au coût moyen de fonctionnement des centres de tri, qui voisine les 98$ la tonne, selon M. Fortin.

Parmi les autres matériaux recyclables à plus haute valeur, les fluctuations ont aussi été très fortes depuis un an.

Mais leur impact financier s'est avéré moindre pour les centres de tri parce que ces matériaux, plastiques et métaux surtout, composent moins de 10% de la collecte sélective.

Par exemple, le prix des plastiques s'est redressé à 400$US la tonne. C'est trois fois mieux que le creux de 120$US atteint en fin d'année, mais encore inférieur de moitié au sommet de 900$US atteint en octobre 2008.

Scénario semblable avec l'aluminium, l'un des métaux les plus prisés en recyclage.

Son prix s'est redressé autour de 1600$US la tonne. C'est deux fois mieux que le creux de 800$US d'il y a quelques mois, mais encore inférieur au sommet de 2000$US la tonne de l'avant-krach.

D'ailleurs, selon M. Fortin, le rebond de l'aluminium recyclable motive l'autre inquiétude des centres de tri: la prochaine politique de recyclage du gouvernement du Québec, attendue à l'automne.

«Les gestionnaires de centres de tri appréhendent un élargissement de la consigne des contenants à remplissage unique, comme les bouteilles d'eau, explique-t-il.

«Un tel changement priverait les centres de tri d'une autre quantité de matériaux recyclables de plus haute valeur, comme l'aluminium et les plastiques, qui rapportent le plus lors de la revente.»

Pourtant, cette consigne élargie est réclamée par l'Union des municipalités du Québec (UMQ), qui regroupe une importante clientèle des centres de tri.

«Justement, nous savons que cette position de l'UMQ va à l'encontre des municipalités qui gèrent des centres de tri (le tiers des 38 centres) parce qu'elles connaissent la perte de revenus que provoque la consigne, avec l'aluminium et les plastiques», soutient Réal Fortin.

Quant à l'argument de l'UMQ envers la réduction de volume et, donc, des coûts de la collecte sélective, M. Fortin l'estime trompeur.

«La plupart des contrats avec les centres de tri prévoient que les municipalités comblent la différence entre le coût du tri par tonne et le revenu moyen par tonne de matériaux recyclables», explique M. Fortin.

Par conséquent, dit-il, si les municipalités réduisent le volume en collecte sélective en y enlevant d'autres contenants recyclables, elles réduiront d'autant les revenus des centres de tri et gonfleront leur déficit à combler.

«En bout de ligne, les contrats de collective sélective et de centres de tri coûteront plus cher aux municipalités, et donc à leurs contribuables.»