La reprise des activités à VIA Rail est arrivée trop tard pour des dizaines de voyageurs. Certains ont dû faire preuve d'imagination pour se rendre à destination, d'autres ont été forcés de payer une fortune. Et des commerçants qui dépendent du train pour leur survie sont furieux.

Cinq Montréalais sont revenus de voyage avec une histoire de pêche peu banale, hier. Partis taquiner le doré dans le petit complexe de chalets McTavish, en Haute-Mauricie, Mathieu Desautels et ses compagnons ont passé bien près de rester coincés au milieu de la forêt. Leur chalet n'étant desservi par aucune route, le train était leur seul moyen de rentrer.

M. Desautels, 29 ans, a pris le train mercredi dernier pour se rendre au chalet de sa famille en compagnie de sa conjointe enceinte, d'un couple d'amis et d'une autre copine. Le refuge est situé au bord du réservoir Blanc, à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de La Tuque. Aucun préposé de VIA Rail ne l'a averti qu'une grève pourrait l'empêcher de revenir.

Lorsque, deux jours plus tard, il a appris que les 340 membres du syndicat des mécaniciens de locomotive de VIA Rail avaient déclenché la grève, le père de Mathieu Desautels, Richard, a été pris d'un doute. Il a joint le propriétaire de la pourvoirie Quoquochee, située près du chalet, et lui a demandé d'aller voir son fils pour l'avertir de la situation.

«Lorsqu'il nous a annoncé la nouvelle, on a cru que c'était une blague», a relaté Mathieu Desautels, joint samedi.

L'entente conclue tôt hier matin pour mettre fin à la grève n'a pourtant pas aidé les aventuriers. Leur train devait passer hier, et le train suivant ne passera que mercredi. Le groupe a dû recourir à un procédé complexe pour rentrer à la maison.

Le propriétaire de la pourvoirie Quoquochee, Sylvain Hébert, a cueilli les cinq compagnons à leur chalet à 10h hier et les a emmenés en bateau jusqu'à la pourvoirie la plus proche, à quelques kilomètres de là. Richard Desautels a franchi en voiture les 500 km qui séparent Montréal de la pourvoirie pour les ramener en ville.

Mathieu Desautels compte exiger un remboursement du transporteur, qui ne l'a jamais avisé qu'un conflit de travail pourrait perturber son voyage.

Des touristes coincés

Les Desautels ne sont pas seuls à avoir subi les contrecoups de la grève dans les régions isolées du Nord québécois. Bon nombre de communautés dépendent du train, qui leur livre le courrier, de la nourriture et des médicaments, en plus de transporter des touristes vers les nombreuses pourvoiries.

Dominique Vincent est propriétaire de deux auberges et d'un restaurant à Clova, un hameau de 40 habitants situé en Mauricie, à quelques kilomètres de l'Abitibi. On peut y accéder par la route, mais la plupart des visiteurs préfèrent le train. Ce week-end, il a rencontré quatre groupes de pêcheurs incapables de rentrer chez eux.

Le commerçant estime que la grève est un oeil au beurre noir pour l'industrie touristique de sa région.

«Ces gens qui ont été pris dans le bois, pensez-vous que, l'année prochaine, ils vont vouloir revenir ici avec VIA Rail?» a-t-il demandé.

Pour d'autres, les effets de la grève sont plus immédiats. Rencontrée à la Gare centrale hier matin, Josie Parisi fulminait. Cette résidante de Windsor, en Ontario, avait utilisé tous les points de récompense qu'elle avait accumulés auprès d'une chaîne hôtelière pour se payer un week-end à Montréal avec sa mère, Carmella, et son frère Tony.

Mais le voyage, qui devait être gratuit, lui coûtera finalement une fortune parce que, malgré la reprise du service, tard hier après-midi, elle devait attendre à ce midi avant qu'un train puisse la mener chez elle.

«Ça veut dire que, si je veux rentrer à la maison aujourd'hui, je dois payer 500$ avec Greyhound, a-t-elle dénoncé. Et si je rentre demain pour profiter de mon billet de train gratuit, je dois payer une nuit à l'hôtel pour trois personnes et perdre une journée de travail. C'est perdant-perdant.»