Les Québécois paient-ils trop cher pour leurs aliments, comparativement à leurs voisins ontariens? Au point de permettre aux plus gros détaillants d'engranger au Québec les marges de profit parmi les plus élevées au Canada en alimentation?

En tout cas, c'est ce qui ressort d'une récente analyse des principaux détaillants alimentaires au Québec et en Ontario réalisée par une importante firme de courtage de Toronto, pour ses clients-investisseurs.

 

D'autant que les auteurs vont jusqu'à qualifier le marché québécois de «vache à lait» de profits pour les grandes entreprises de supermarchés.

En particulier pour Metro et IGA-Sobeys, qu'ils considèrent les plus dynamiques sur le marché québécois face au groupe Loblaw-Provigo, encore emmêlé dans une restructuration.

«Le marché de l'alimentation au Québec est sans doute le plus profitable au pays, avec des prix plus élevés et une présence moindre de supermarchés à escompte que partout ailleurs au Canada», selon les analystes Perry Caicco et Mark Petrie, spécialistes du commerce de détail chez Marchés mondiaux CIBC, la filiale de courtage de la banque CIBC.

«Les prix dans les supermarchés réguliers et ceux à escompte au Québec sont supérieurs de 5 à 15% en moyenne à ceux que l'on retrouve dans les magasins comparables en Ontario», soulignent-ils dans leur rapport.

Mentalité différente

Par ailleurs, un examen par La Presse Affaires des plus récentes données de prix des aliments, telles que recueillies par Statistique Canada, tend à corroborer le constat des analystes de la CIBC.

Pour l'essentiel, l'inflation alimentaire est plus accentuée au Québec qu'en Ontario.

Depuis 2002, l'indice des prix des aliments a cru 24% au Québec, comparativement à 21% en Ontario. Et depuis un an, cette inflation alimentaire atteint 7% au Québec, contre 5% en Ontario.

Selon les analystes de Marchés mondiaux CIBC, cette situation de surcoût alimentaire au Québec par rapport à l'Ontario s'explique par deux facteurs principaux.

Différences de mentalité et de culture alimentaire, d'une part.

Pour l'essentiel, les Québécois seraient plus exigeants que leurs voisins ontariens quant à la qualité et la spécificité de leurs achats alimentaires. Mais cette recherche de qualité leur coûte plus cher. Ce qui expliquerait en partie pourquoi le Québec accapare une plus grande part des ventes alimentaires au Canada que son pourcentage de la population totale.

Mais le principal facteur de surcoût alimentaire au Québec par rapport à l'Ontario tient à la structure même du marché québécois, selon les analystes de CIBC.

Toutes proportions gardées, les supermarchés de type «à escompte» sont moins influents dans le marché de l'alimentation au Québec qu'en Ontario.

Et en particulier, le marché québécois est encore dépourvu des grandes surfaces à bas prix, comme les supercenters ouverts par Wal-Mart dans le sud de l'Ontario ces dernières années

Ces très grandes surfaces à escompte qui combinent un supermarché et un magasin à rayons ont eu une influence baissière considérable sur les prix en alimentation en Ontario. Au Québec, les analystes de Marchés mondiaux CIBC doutent encore de l'implantation et de l'impact d'une telle expansion de Wal-Mart en alimentation.

D'une part, estiment-ils, les récentes bisbilles syndicales de Wal-Mart au Québec auraient dilué l'intérêt du géant d'origine américaine d'y étendre son format de supercenters.

D'autre part, les analystes doutent de l'intérêt des consommateurs québécois pour une nouvelle bannière de supermarchés à escompte, comme le suggère la pénétration de marché déjà moindre de ce type de magasins d'alimentation.

Plus concentré

Mais en attendant une telle expansion de Wal-Mart, notent-ils, le marché québécois de l'alimentation demeure plus concentré qu'en Ontario entre les mains de trois grandes entreprises de supermarchés: Metro, IGA-Sobeys et Loblaw-Provigo.

Et cette concentration de marché s'accentue en faveur de Metro et IGA/Sobeys si l'on considère les difficultés persistantes de Loblaw à vraiment s'affirmer au Québec.

«Loblaw représente le géant un peu endormi sur le marché québécois. Tant que cette situation durera, le marché québécois demeurera une vache à lait pour ses deux principaux concurrents, IGA-Sobeys et Metro», écrivent les analystes de Marchés mondiaux CIBC dans leur récent rapport.

Plus spécifiquement, à propos d'IGA-Sobeys, ils estiment que sa division au Québec est «probablement la plus forte sur une base régionale de tout le marché de l'alimentation au Canada».

Quant à Metro, les analystes de CIBC estiment que le détaillant a «une position tellement forte et rentable sur le marché québécois qu'il a décidé, avec raison, de diriger ses ressources vers son expansion en Ontario, où son potentiel de croissance est meilleur».

Les analystes de CIBC font ainsi référence aux acquisitions par Metro, ces dernières années, des chaînes des supermarchés Dominion, A&P et Loeb en Ontario.

Metro est d'ailleurs en voie de convertir ces quelque 380 supermarchés ontariens à sa propre enseigne la plus connue au Québec.

 

UNE HAUSSE MARQUÉE DES PRIX

VARIATION DES PRIX DES ALIMENTS

Mai 2008 à mai 2009 / Depuis 2002

Québec "7% / "24%

Ontario "5% / "21%