Le plus grand cabinet d'avocats au Québec a des nouveaux locaux et un nouveau patron. Changement de cap? Pas du tout, on continue comme avant!

À première vue, rien ne distingue ces petites salles de réunion d'une salle de conférence conventionnelle. Situés en plein centre de la réception d'un grand bureau d'avocats montréalais, ces «cubicules», au nombre de quatre, contiennent une table, des chaises, quelques babioles pour le décor, des murs de verre... Rien d'extraordinaire, donc, si ce n'était justement de ces murs de verre et de leurs propriétés magiques. Oui, oui, magiques, littéralement. Car de l'intérieur de la pièce, il suffit d'appuyer sur un interrupteur et hop, les vitres se givrent instantanément pour devenir opaques; en une fraction de seconde, avocats et clients disparaissent ainsi de la vue extérieure des curieux! Avouez qu'au royaume du secret, le gadget est plutôt fabuleux...

 

«C'est notre nouveau joujou!» me dit mon guide qui me fait visiter les nouveaux locaux d'Ogilvy Renault. Après plus de 25 ans sur l'avenue McGill Collège, le cabinet vient d'emménager à la Place Ville-Marie, occupant quatre étages et demi, devenant ainsi le plus gros locataire de la PVM, après la Banque Royale. Ogilvy a investi plusieurs millions de dollars pour sa nouvelle maison. Plus grande, mieux éclairée, plus pratique en somme pour les 250 et quelques avocats du cabinet. Et pour son nouveau patron, qui vient tout juste de prendre les commandes.

«Nous avions besoin d'un rafraîchissement technologique», explique John Coleman, nouvel associé-directeur, qui s'est métamorphosé en guide touristique le temps de quelques minutes, juste avant notre entretien.

Pur produit «ogilvyen»

À 56 ans, John Coleman remplace Pierre Bienvenu, qui dirigeait le cabinet depuis 2005. Comme ses prédécesseurs, il est un pur produit «ogilvyen», c'est-à-dire qu'il a passé toute sa carrière, ou presque, chez Ogilvy, où il pratique depuis 1983. Petite nuance, toutefois, bien qu'il ne soit pas le premier, le nouveau boss ne provient pas du groupe de droit des affaires, mais du droit du travail, domaine qui est encore perçu par plusieurs comme secondaire, notamment parce que les taux horaires - les marges de profit en langage d'avocat - sont nettement moins élevées. John Coleman en est bien conscient, mais il ne le voit pas comme un inconvénient, au contraire, ce serait même un avantage.

«En droit du travail, les qualités humaines sont importantes, tout comme elles le sont pour diriger des avocats», dit-il.

S'il est devenu avocat, c'est un peu par accident. À l'université, il se voyait plutôt devenir prof et avait un intérêt marqué pour la philosophie, surtout celle de la Grèce antique. En fait, c'est en étudiant Platon et Aristote qu'il a découvert la justice et qu'il a voulu y consacrer sa vie.

Comme nouveau patron, John Coleman n'a pas l'intention de révolutionner la baraque, même si elle est toute neuve. En ce sens, l'homme incarne davantage la continuité. Son objectif est d'ailleurs de renforcer les valeurs qui ont fait la force du cabinet.

C'est un cliché bien sûr, mais chez Ogilvy on ne fait pas les choses comme ailleurs. Par exemple, contrairement à la concurrence, les clients n'appartiennent pas aux avocats, mais au cabinet. Cela permet, explique John Coleman, d'affecter le meilleur avocat selon le client ou le dossier. Facile à dire, mais Dieu que c'est compliqué à faire, surtout lorsqu'il faut inculquer cette philosophie à des avocats au gros ego et pour qui les clients représentent le principal actif.

Pour y arriver, on a décidé il y a bien longtemps d'établir un système de rémunération secret. Ainsi, chez Ogilvy, contrairement aux autres cabinets, aucun avocat ou associé ne connaît le salaire de ses confrères, à part ceux qui font partie de la dizaine de membres du comité exécutif, qui décide de la rémunération.

«Chez nous, les gens ne cherchent pas à savoir combien leur collègue gagne, dit John Coleman. Ça évite les frictions et ça permet à tous de se concentrer sur ce qui importe, nos clients.»

Il explique que, dans un contexte de crise économique, cette culture distincte permettra au cabinet de se démarquer.

«Dans le fond, mon rôle est de gérer la continuité dans une ère de changement.»

Cap vers l'Ouest

S'il doit gérer le capital humain, John Coleman doit aussi se préoccuper du positionnement du cabinet. Car quoi qu'on en dise, Ogilvy Renault est encore perçu comme un cabinet montréalais, malgré l'ouverture, en 1996, d'un bureau à Toronto. Dans l'ouest du pays, par ailleurs, là où ça bouge grâce à l'industrie des ressources naturelles, le cabinet n'est pas présent, contrairement à ses principaux rivaux.

«C'est vrai, admet John Coleman, à Toronto nous n'avons pas encore établi une image de marque solide, mais ça prend du temps.» Il souligne néanmoins que le bureau dans la Ville-Reine est passé d'un à 150 avocats en 13 ans, ce qui représente une bonne croissance.

Quant à l'Ouest, John Coleman affirme que le cabinet a bien l'intention de s'y établir, probablement à Calgary. Quand et comment? «Nous sommes en période de réflexion sur ce sujet, dit-il. Mais on travaille fort pour s'établir là-bas le plus tôt possible.»

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