Chez Savoura depuis ses débuts, elle a créée la marque reconnue qui accapare aujourd'hui 60% du marché des tomates de serre au Québec. Une affaire de 30 millions de dollars.

Ses amis l'appellent Marie-les-tomates. Normal, ça fait 20 ans qu'elle a les deux mains dedans.

En fait, la vie de Marie Gosselin tourne autour des légumes depuis qu'elle est toute petite. Quand, en 1987, son père vend son entreprise de production et d'emballage de pommes de terre, elle se demande ce qu'elle fera de sa vie. « J'étais déçue, raconte-t-elle, j'ai pleuré. Moi, je me voyais là.»

Après son université, ce ne sont donc pas les patates qui l'attendent, mais plutôt un projet encore un peu flou de production de tomates en serre. Jacques Gosselin - sans lien de parenté avec elle - a convaincu son père d'investir dans ce qui deviendra Savoura. « On était en train de construire les serres au mois de mai quand j'ai commencé», se rappelle-t-elle.

À 23 ans, étude de marché en poche, elle part essayer de convaincre les marchands de Québec d'acheter ses futures tomates de serre. Et elle réussit ce que plusieurs croyaient impossible à l'époque : faire le « branding» d'une tomate. Aujourd'hui, la marque Savoura est reconnue par 90 % des gens de Québec contre 65 % dans l'ensemble de la province.

En 20 ans, les ventes de l'entreprise ont décuplées, atteignant maintenant 30 millions de dollars, avec 300 employés, qui cultivent des tomates dans des serres qui couvrent 19 hectares. C'est 60 % du marché de la tomate de serre au Québec !

Savoura a en plus effectué une percée ontarienne cette année, avec la vente de ses tomates à une centaine de Sobeys. Aux États-Unis, les premières livraisons viennent d'arriver chez Food Emporium.

Directrice générale depuis un an, Marie Gosselin doit décider si elle augmente encore la cadence, avec l'ajout de cinq autres hectares de serres à Saint-Étienne-des-Grès, en Mauricie. Un projet de 18 millions rendu rentable parce que les serres doivent y être chauffées au biogaz, récupéré du dépotoir local.

Mme Gosselin admet que les dernières années ont été plus difficiles, avec la concurrence accrue des Mexicains et les prix de l'énergie qui n'ont pas cessé d'augmenter.

Savoura amorce aussi une diversification, avec la production d'autres légumes, les petits concombres à grignoter notamment. Puis il y a les tomates, que Marie Gosselin songe à transformer. La transformation, ce n'est pas bon seulement dans le secteur du bois ou de l'aluminium ! « Ça pourrait être un jus, des tomates en cube, n'importe quoi, pour donner une valeur ajoutée à notre produit.»

Femme d'affaires, Marie Gosselin croit que la question de la place de ses consoeurs dans les milieux masculins est toujours d'actualité, même en cette neuvième année du XXIe siècle.

Ce qui pose surtout problème, selon elle, c'est cette collégialité dont font preuve les hommes entre eux, une attitude qui change quand une femme se joint au groupe. « Ce n'est plus la même relation, il y a toujours une petite retenue.»

Lors de notre entretien, elle se préparait à une fin de semaine de rencontres d'un regroupement de chefs d'entreprises. « Je vais être la seule femme, dit-elle. Je suis certaine que les gars vont veiller jusqu'à deux heures du matin, mais moi, je vais me sentir mal à l'aise de faire ça. Si au moins il y avait une autre fille... C'est sûr que ça me manque, ça, je trouve qu'ils ont l'air d'avoir du fun !»