On le craignait, mais voilà qu'il frappe pour vrai: le protectionnisme américain fait perdre des contrats à des entreprises québécoises aux États-Unis, a soutenu lundi le ministre des Finances et du Développement économique, Raymond Bachand. 

Avec la flambée du dollar canadien au cours du dernier mois, c'est le problème qui préoccupe le plus les exportateurs québécois actuellement, a indiqué M. Bachand en marge d'un discours prononcé à la tribune de l'Association des MBA du Québec.

La résurgence du protectionnisme s'explique surtout par la présence, dans les lois américaines liées au plan de relance économique de l'administration de Barack Obama, de clauses privilégiant les fournisseurs des États-Unis.

«Ce n'est plus juste dans le secteur de l'acier, c'est en train de se répandre dans beaucoup d'appels d'offres qui se font au niveau des villes et des gouvernements des États», a expliqué le ministre, en soulignant que dans certains cas, des décideurs excluent des fournisseurs canadiens non pas sur la foi de dispositions législatives, mais simplement par patriotisme économique.

Le ministre fédéral du Commerce international, Stockwell Day, a discuté de la question avec ses homologues lors d'une rencontre tenue en avril.

Dans l'espoir de régler le problème, le milieu des affaires demande aux gouvernements des provinces et des territoires de souscrire à l'Accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), que 37 États américains ont déjà signé.

Lundi, la Chambre de commerce du Canada, les Manufacturiers et Exportateurs du Canada (MEC), le Conseil canadien des chefs d'entreprise et d'autres associations ont envoyé une lettre aux premiers ministres provinciaux pour les inciter non seulement à adhérer au traité de l'OMC, mais aussi à appuyer la conclusion d'un nouvel accord commercial qui ouvrirait clairement les marchés publics des provinces, des États et des municipalités aux entreprises des deux pays.

Selon les MEC, plusieurs provinces appliquent déjà les dispositions de l'Accord sur les marchés publics, mais un appui en bonne et due forme pourrait empêcher les États américains de mettre en place des mesures de représailles à l'encontre des entreprises canadiennes. La conclusion d'une entente canado-américaine qui impliquerait Washington, Ottawa, les États et les provinces pourrait sceller un véritable libre-échange à l'égard des appels d'offres publics, y compris au niveau des municipalités.

Des centaines d'entreprises touchées

Au cours d'un entretien téléphonique, Jean-Michel Laurin, vice-président aux affaires mondiales des MEC, a affirmé que plus de 200 entreprises canadiennes ressentent sérieusement les effets des mesures protectionnistes américaines, dont une centaine au Québec. Certaines ont carrément dû procéder à des mises à pied après avoir constaté qu'elles ne pouvaient pas soumissionner à des appels d'offres publics aux États-Unis, a précisé M. Laurin. Les secteurs les plus touchés sont ceux de l'acier, du fer et du traitement de l'eau.

Québec «est en train d'examiner» la possibilité d'adhérer à l'Accord sur les marchés publics, a indiqué Anne-Sophie Desmeules, porte-parole du ministre Bachand. Elle n'a pas pu dire si les appels d'offres des ministères et des organismes gouvernementaux québécois étaient déjà ouverts aux entreprises américaines.

De son côté, le ministre Day consulte ses homologues des provinces à ce sujet. Il lui faudrait l'appui d'une forte majorité des provinces pour entamer des négociations avec les Américains sur la libéralisation des marchés publics des États et des provinces. En vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), les appels d'offres des gouvernements fédéraux sont déjà ouverts aux entreprises de l'ensemble de l'Amérique du Nord.

Certains préconisent une approche plus belliqueuse: la Fédération canadienne des municipalités se prononcera plus tard cette semaine sur une résolution qui propose de faire de la discrimination à l'encontre des fournisseurs américains tant que les dispositions «Buy American» demeureront en place.

«Des fois, ça prend une menace crédible», a commenté Jean-Michel Laurin, en ajoutant néanmoins que les exportateurs n'appuyaient pas à l'unanimité une telle mesure.

Raymond Bachand a par ailleurs avancé que le Québec perdrait près de 70 000 emplois en 2009, réitérant les prévisions contenues dans le budget de mars. Depuis le sommet d'octobre, la province a perdu environ 30 000 emplois, soit une baisse d'environ 0,8 pour cent, moitié moins prononcée que dans l'ensemble du pays.

Le ministre a en outre annoncé, lundi, la création d'un groupe-conseil sur la Stratégie québécoise de la recherche et de l'innovation, qu'il coprésidera avec André Bazergui, PDG du Consortium de recherche et d'innovation en aérospatiale au Québec. Le groupe aura pour but de proposer des pistes pour mettre à jour la stratégie actuelle, qui expirera l'an prochain.