Le Québec pourrait bien perdre un autre siège social d'importance: l'imprimeur américain R.R. Donnelley & Sons (rrd) a annoncé mercredi son intention d'acquérir son concurrent montréalais en difficulté Quebecor World (t.iqw) pour une somme globale de 1,35 milliard $ US en espèces et en actions.

Si elle se concrétisait, cette transaction pourrait aussi se traduire par des fermetures d'usines et des pertes d'emplois, y compris au Canada, a prévenu un analyste financier.

Dans un communiqué de presse publié mardi soir, Donnelley, dont le siège est à Chicago, a rendu publique une lettre d'intention qu'elle a fait parvenir cette semaine aux dirigeants de Quebecor World.

R.R. Donnelley estime que son offre est plus intéressante pour les créanciers et les prêteurs de Quebecor World que les plans de restructuration récemment déposés devant un tribunal américain et la Cour supérieure du Québec.

Quebecor World s'est placée sous la protection des tribunaux en janvier 2008, alors que ses dettes totalisaient plus d'un milliard de dollars US.

L'entreprise montréalaise a indiqué mercredi que son conseil d'administration examinait la proposition de Donnelley et que la direction en discuterait avec les principales parties intéressées. Des audiences sur les plans de restructuration doivent avoir lieu jeudi à Montréal et vendredi à New York.

Donnelley possède une importante présence au Canada depuis l'acquisition, en 2004, de Moore Wallace, un fabricant de formulaires et d'étiquettes. À la fin de 2008, l'entreprise employait 62 000 employés aux États-Unis, au Canada et en Amérique latine. Elle a depuis annoncé la suppression de près de 2700 postes.

Quebecor World compte environ 20 000 employés qui travaillent dans 90 installations réparties aux États-Unis, au Canada et en Amérique latine. Les travailleurs canadiens et américains ont récemment dû accepter des réductions salariales.

Donnelley avait déjà contacté Quebecor World l'an dernier. Avant cela, les deux entreprises avaient déjà eu des discussions sur une éventuelle fusion ou un autre type d'accord, a indiqué jeudi Pierre Karl Péladeau, président et chef de la direction de Quebecor (TSX:QBR.B), ancienne société mère de Quebecor World.

L'offre de Donnelley accorderait aux créanciers 700 millions $ US en espèces, une somme de 257 millions $ US correspondant aux liquidités estimées de Quebecor World au 30 juin prochain et 30 millions d'actions de l'imprimeur américain (qui valaient 354 millions $ US en date de mercredi).

Donnelley dit être prête à réaliser la transaction qu'elle propose le plus rapidement possible. Elle assure que sa proposition ne nécessite aucune condition de financement et qu'elle n'est pas non plus conditionnelle à un vote d'actionnaires.

Offre intéressante

L'analyste Charles Stauzer, de CJS Securities, établi à White Plains, dans l'État de New York, a prédit que les créanciers étaient susceptibles d'accepter la proposition de Donnelley, puisque celle-ci comprend du numéraire, sans les risques associés aux plans de Quebecor World.

M. Stauzer évalue que les synergies découlant de la transaction pourraient totaliser entre 150 et 300 millions $ US.

«Vous verrez des fermetures d'usines et des licenciements même sans un regroupement parce que les deux entreprises doivent rationaliser leurs activités vu l'état de l'économie», a-t-il commenté.

La nouvelle entreprise fusionnée détiendrait environ 13 pour cent du marché américain de l'imprimerie non reliée aux journaux, selon l'analyste.

M. Péladeau a assuré mercredi qu'il ne ressentait aucun état d'âme face à la possibilité qu'une partie importante de l'empire construit par son père passe aux mains d'Américains.

«Je dirige une entreprise et il ne faut pas mêler les émotions aux décisions d'affaires», a-t-il lancé.

Quebecor, qui a radié sa participation dans Quebecor World, ne s'attend pas à toucher d'argent dans la foulée d'une éventuelle transaction avec Donnelley. En fait, rien n'est prévu pour les actionnaires de l'imprimeur québécois.

Quebecor World estime que, si tout se passe comme prévu, elle pourrait se libérer de la protection contre ses créanciers avec un bilan solide d'ici la mi-juillet. La semaine dernière, l'entreprise a estimé que sa valeur liquidative se situait entre 800 millions $ US et 1,4 milliard $ US.