Quelques mois avant la crise, la Caisse de dépôt et placement avait fait doubler son volume de papier commercial problématique, indique un document remis à la Commission parlementaire sur les finances publiques, hier.

Au 31 août 2005, l'institution détenait 5,5 milliards de dollars de PCAA non bancaire. Seize mois plus tard, soit au 31 décembre 2006, ce volume était passé à 13,2 milliards, le même niveau qu'au moment du gel du marché, en août 2007.

Cette croissance exponentielle a surpris le député péquiste François Legault, qui a questionné le vice-président des affaires juridiques de la Caisse à ce sujet, Claude Bergeron.

«J'ai de la difficulté à croire que c'est un hasard ou un mystère de la vie, comme l'a dit Henri-Paul Rousseau. Comment expliquer cette croissance?» a demandé François Legault.

Durant la même période, a fait remarquer M. Legault, la Caisse n'a pratiquement pas augmenté son volume de PCAA bancaire. Rappelons que, contrairement au PCAA non bancaire, le PCAA bancaire n'a pas été gelé en août 2007, puisqu'il a été soutenu par les banques canadiennes, qui ont assuré le roulement du produit.

Le non bancaire surpasse le bancaire

Le niveau de PCAA non bancaire à la Caisse a commencé à surpasser le bancaire à partir de septembre 2005. Alors que le volume de PCAA non bancaire a pratiquement doublé dans l'année qui a suivi, à 13,2 milliards, le PCAA bancaire s'est maintenu à peu près au même niveau, à 7 milliards.

Claude Bergeron ne fait pas la même lecture des chiffres que M. Legault. Selon lui, la Caisse achetait les deux types de PCAA depuis plusieurs années. «Il y a eu des progressions dans un marché comme dans l'autre. Ça dépend des périodes», a-t-il dit.

Selon ses explications, les marchés financiers ne faisaient pas la distinction entre le bancaire et le non bancaire jusqu'en août 2007. Les deux types de PCAA étaient d'ailleurs reconnus comme des investissements de grande qualité par la firme DBRS, la seule à avoir accepté de donner une cote aux PCAA canadiens.

Selon le document de la Caisse, le volume de PCAA détenu par l'institution a suivi une courbe de croissance relativement semblable au marché dans son ensemble, lui-même en très forte croissance.

»Une certaine panique»

C'est l'équipe responsable du marché monétaire à la Caisse qui a acheté tout le papier commercial. L'équipe était composée de quatre gestionnaires. Selon Claude Bergeron, cette équipe a constaté «une certaine panique» dans le marché à partir de la mi-juillet 2007, un mois avant la crise. Cette panique était notamment liée aux problèmes d'un des fonds de Bear Stearns avec des titres subprimes (hypothèques à haut risque).

La Caisse et les porteurs de PCAA ne savaient pas, alors, le niveau d'exposition des PCAA canadiens aux subprimes, puisque les actifs sous-jacents aux PCAA étaient opaques. Le 18 juillet, DBRS a indiqué que les PCAA canadiens n'en comprenaient que 4% à 7%.

Les gestionnaires de la Caisse se sont alors mis à vendre le PCAA non bancaire pendant une semaine. Plus précisément, du 23 au 26 juillet, la Caisse était vendeuse, a dévoilé François Legault. Curieusement, l'institution est redevenue acheteuse à partir du lundi 27 juillet, jusqu'au 10 août, achetant pour 893 millions de ces titres.

Le chef de la direction des placements, Richard Guay, a été mis au courant des problèmes du marché le 6 août. Il a alors donné l'ordre de réduire les positions. Les titres bancaires ont alors été réduits, mais pas les non bancaires, et M. Guay n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi, hier.

Enfin, précisons que la Caisse avait significativement réduit ses positions de PCAA non bancaire au printemps 2007, ce qui coïncide avec les premiers problèmes de Bear Stearns. Au 30 avril 2007, la Caisse avait réduit sa position à 11,2 milliards avant de la réaugmenter de 2 milliards essentiellement en deux tranches de 1 milliard, soit en mai 2007 et en août 2007.