En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises sur le plan de la gestion.

La tourmente économique actuelle force les entreprises à faire des choix difficiles et à procéder à des restructurations importantes. Certaines organisations profitent de ces temps difficiles pour revoir leurs façons de faire et investir dans les technologies de l'information (TI) de manière à protéger leurs marges bénéficiaires et optimiser leurs activités.

Cela dit, l'implantation de nouvelles technologies présente des défis techniques et humains majeurs. Les organisations mettent en oeuvre et déploient ces systèmes dans l'espoir d'obtenir un avantage concurrentiel. Cet espoir va de pair avec l'hypothèse que leurs employés exploiteront pleinement ces nouveaux systèmes.

Malheureusement, ce n'est souvent pas le cas. Malgré des investissements considérables, les systèmes finissent souvent par être sous-utilisés.

La formation des utilisateurs constitue l'une des cartes maîtresses de la gestion du changement. C'est un facteur clé dans la réussite d'une implantation technologique. Selon des études récentes, on estime qu'en moyenne 15% à 20% du budget de la mise en oeuvre d'un nouveau logiciel est consacré à la formation des employés.

Or plusieurs études démontrent que la profitabilité de ces investissements en formation est souvent sous-optimale. On constate en effet que les travailleurs ont habituellement beaucoup de difficulté à appliquer les savoirs acquis à la réalité de leur travail.

Un «simulateur de vol»

La plupart des formations en TI se concentrent principalement sur les compétences techniques des usagers. Les utilisateurs de ces programmes de formation s'engagent dans un processus d'apprentissage individuel qui mène généralement à l'acquisition de compétences techniques liées aux nouvelles applications.

Ces approches peuvent convenir pour l'apprentissage des outils de bureautique centrés sur le travail individuel, mais elles ne conviennent pas dans le cas des systèmes d'entreprises beaucoup plus complexes et qui supportent l'intégration des différentes fonctions de l'entreprise tels les progiciels intégrés. Les approches traditionnelles centrées sur la transmission de connaissances techniques sont peu adaptées à l'apprentissage de la collaboration entre utilisateurs.

L'utilisation de simulations d'affaires et de «jeux sérieux» est une avenue de plus en plus utilisée pour la formation TI en entreprise. Cette approche permet aux équipes de mieux comprendre comment s'organiser et travailler ensemble et est donc tout indiquée pour faire comprendre les avantages de l'utilisation de progiciels intégrés dans l'entreprise.

Le défi consiste donc à recréer un environnement où les participants peuvent apprendre comment utiliser le progiciel afin de gérer de manière intégrée les différentes fonctions de l'entreprise. Il s'agit donc de reproduire un environnement d'affaires réaliste dans lequel les participants utilisent des systèmes d'entreprise afin de résoudre des problèmes d'affaires complexes.

À HEC Montréal, on tente de relever ce défi par l'utilisation d'une technologie de simulation d'affaires, nommée ERPsim. Ce logiciel se connecte à un progiciel de gestion intégré (dans ce cas-ci, le progiciel SAP) et permet de recréer à travers le progiciel une simulation d'affaires réaliste.

Les participants à la formation doivent procÉder aux affaires courantes d'une entreprise. Ils ont à prendre les décisions d'affaires en utilisant un progiciel intégré exactement semblable à ceux utilisés par les plus grandes entreprises. Pour ces participants, l'utilisation s'apparente à celle d'un simulateur de vol, mais dans ce cas-ci, ils sont placés aux commandes d'un véritable avion dans un ciel simulé.

ERPsim constitue un environnement d'apprentissage unique dans le monde des systèmes d'entreprises, bien plus efficace que les approches de formation traditionnelles. Dépassant la simple transmission de connaissances techniques, cette simulation permet d'acquérir des compétences de résolution de problèmes d'affaires complexes, quasi réels, qui mènent à une meilleure collaboration entre utilisateurs et à une meilleure compréhension des processus d'affaires sous-jacents aux diverses activités.

Depuis 2006, cette approche pédagogique est utilisée dans plus de 50 universités et dans de nombreuses organisations dans le monde. Au total, plus de 4000 participants ont pu être formés grâce à cet outil de simulation. Des recherches menées par l'Université de l'Arkansas indiquent que cette approche mène à un bien meilleur rendement au plan de l'apprentissage.

Non seulement les participants semblent développer une meilleure acquisition de connaissances, mais leur attitude vis-à-vis le système s'en trouve améliorée. D'autres résultats de recherche récents semblent indiquer que ces gains persistent même après 90 jours. Ces résultats tendent à démontrer que l'approche par la simulation mène à une meilleure rétention de la connaissance.

Diverses recherches sur l'approche ERPsim se poursuivent actuellement. Les résultats à venir pourraient alors modifier largement les pratiques de formation en TI utilisées dans la majorité des entreprises.

Pierre-Majorique Léger, Jacques Robert et Gilbert Babin sont professeurs au Service de l'enseignement des technologies de l'information à HEC Montréal. Patrick Charland est professeur au Département d'éducation et pédagogie de l'Université du Québec à Montréal (UQAM).