Depuis le début de son boom économique, la Chine a l'habitude recevoir des missions commerciales de tous les pays intéressés à profiter de ce colossal marché. Mais celle qui quittera Montréal demain pour la ville de Jiangmen n'est pas tout à fait comme les autres. Les 11 représentantes qui iront y faire la promotion de produits québécois ont pour la plupart 14 ans.

Depuis le début de l'année scolaire, une trentaine d'élèves de 9e année (3e secondaire) de l'école The Study, à Westmount, préparent cette mission commerciale dans le cadre de leur cours d'entrepreneuriat.

Parmi elles, 11 représentantes tenteront de convaincre d'autres élèves et des gens d'affaires de Jiangmen de la pertinence d'offrir six nouveaux produits québécois en Chine.

Les élèves, réparties en six équipes, ont bâti leur projet de A à Z. «Nous avons commencé par apprendre des notions sur la Chine et la culture chinoise, dit Sophie Bérubé, dont l'équipe propose les produits de l'érable Biodélices. Puis nous avons évalué le marché chinois.»

«Il fallait savoir ce que les Chinois aiment», précise Nina Darche-Bouchard, qui sera en Chine pour vendre de l'huile essentielle d'épinette noire fabriquée à Girardville, au Lac-Saint-Jean.

Surmonter les obstacles

Puis est venu le temps de dénicher des produits et de demander l'accord des fabricants. C'est là que les premières embûches ont apparu.

«Des entreprises n'étaient pas trop certaines et trouvaient que nous manquions de crédibilité en raison de notre âge», raconte Sophie Bérubé.

Une des équipes a même essuyé sept refus avant de trouver une entreprise intéressée.

Mais au fil du processus, «nous avons appris comment parler aux entreprises», dit Alexa Kruyt, qui présentera aux Chinois le cidre de glace du Domaine Pinnacle.

Chaque équipe a donc réussi à trouver un produit à défendre. Dès lors, les étudiantes ont monté un plan de marketing, ont préparé des arguments de vente et ont conçu des dépliants promotionnels, avec traduction en mandarin bien sûr (on enseigne le mandarin à The Study).

Deux étudiantes de l'école de gestion John Molson de l'Université Concordia ont accompagné les élèves tout au long de l'année. Un professeur de marketing de l'université est même venu offrir une séance de cours exprès pour elles.

Puis, comme pour la grande majorité des entrepreneurs, la crise économique est venue bouleverser les plans des apprenties femmes d'affaires. Des commanditaires ont dû revoir leurs engagements, et le budget du projet a été amputé de 50%.

Une équipe a même perdu le fichier informatique qui contenait tout le suivi de son travail antérieur, deux petites semaines avant la première présentation du produit devant familles et amis.

»On sait que c'est réel»

Le projet s'inscrit dans une philosophie d'apprentissage scolaire basé sur la réalité, ce que les jeunes filles trouvent amusant et motivant. L'objectif à atteindre est tout sauf abstrait. «Ça donne envie de travailler fort, dit Alexa Kruyt. On sait que c'est réel.»

Et l'apprentissage est au rendez-vous.

«Nous avons appris comment travailler en équipe, dit Nina Darche-Bouchard. Sinon ça ne fonctionne pas.»

«Surtout, il a fallu beaucoup de persévérance», dit Sophie Bérubé.

Et cette persévérance a payé. Car au moment du passage de La Presse Affaires à The Study, à quatre jours du grand départ, tout était prêt, nous ont assuré les jeunes entrepreneuses.

«Le travail que ces filles ont fait est énorme», dit Claude Picard, directeur des études, enseignant et responsable du projet.

Vendre le Québec

L'enseignement à The Study est bilingue (anglais-français), et on y enseigne aussi l'espagnol et le mandarin. Mais tout le projet s'est fait en français, souligne M. Picard.

«On voulait un cachet du Québec, et on voulait montrer qu'on pouvait faire des affaires en français», dit-il.

L'activité se tenait pour la première fois, mais on sait déjà que ce ne sera pas la dernière. Des élèves de l'école chinoise qui accueillent la délégation montréalaise viendront à leur tour proposer des produits chinois pour le marché québécois, l'an prochain. Et d'autres élèves de The Study feront le grand voyage vers la Chine pour mettre de l'avant de nouveaux produits québécois dans le plus grand marché du monde.

«Elles vendent le Québec, résume Claude Picard, fier de ses élèves. Ce projet permet non seulement de former des jeunes pour être entrepreneurs, mais de vendre notre économie sur le plan international.»