En dépit du contexte actuel de crise financière, la plupart des organisations canadiennes vont prochainement être confrontées à des problèmes de rétention de main-d'oeuvre et sont donc à la recherche de moyens efficaces pour lutter contre les départs volontaires.

Beaucoup a été écrit sur ce sujet. Pourtant, certaines pistes ont été peu explorées, notamment le rôle des supérieurs immédiats en matière de fidélisation.

 

Les départs volontaires des employés représentent toujours un problème important pour l'entreprise d'aujourd'hui.

Bien que le contexte économique favorise de nombreux départs forcés parmi le personnel des entreprises, il n'en reste pas moins que la rétention des employés et cadres qualifiés, compétents et motivés reste une clé du succès à long terme.

Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles un employé en arrive à quitter son employeur. Certaines sont personnelles et donc peu contrôlables par l'entreprise.

Ainsi, telle employée démissionne pour suivre son conjoint à l'étranger. Un autre décide de reprendre des études afin de réorienter ensuite sa carrière. D'autres raisons sont plus directement liées à la relation avec l'entreprise, et à la façon dont elle traite son personnel.

Certains employés quittent leur employeur parce qu'ils ont constaté que des collègues, victimes de licenciement, l'ont été dans des conditions peu respectueuses. Dès lors, partir signifie devancer une situation qui risque de leur arriver à leur tour. Tel autre employé est déçu de ne pas avoir obtenu une promotion, pour laquelle il s'est tant battu, et préfère partir pour d'autres horizons plus porteurs.

Les chercheurs ont apporté des débuts de solution à cette question en montrant que l'engagement organisationnel des employés, soit l'attachement affectif à l'entreprise, à ses valeurs et à ses objectifs, était une variable essentielle permettant de réduire le risque relatif de démission.

Cependant, les recherches ont aussi montré que les employés ne s'attachent pas seulement à leur organisation, mais également à des unités ou des personnes qui leur sont proches, tels leur groupe de travail ou leur supérieur.

Parmi ces interlocuteurs de terrain, le supérieur immédiat occupe une place essentielle pour l'employé parce que celui-ci représente l'organisation aux yeux de l'employé. Il est en quelque sorte l'ambassadeur, la personne avec laquelle les employés interagissent le plus souvent et qui joue un rôle essentiel dans la gestion de leurs tâches de travail.

Par conséquent, l'engagement envers le supérieur immédiat peut représenter une base solide pour créer un attachement à l'entreprise.

Mais est-ce toujours le cas? Non, pas toujours en effet.

Engagement

Pour que l'engagement de l'employé envers son supérieur puisse se transformer en attachement envers l'organisation, certaines conditions gagnantes doivent idéalement être en place.

Tout d'abord, il faut s'assurer que les supérieurs immédiats épousent les valeurs de l'organisation. Sinon, leur action amènera à augmenter le roulement dans leurs équipes plutôt qu'à le réduire.

Ensuite, il est nécessaire pour les organisations d'accroître le pouvoir de leurs supérieurs immédiats. Les recherches montrent en effet que les supérieurs dont l'impact ou le pouvoir dans l'organisation est faible perdent leur crédibilité, voire leur légitimité, et ne peuvent valablement agir pour fidéliser leurs employés.

De même, les supérieurs possédant un réseau de relations étendu dans l'organisation peuvent faire profiter leurs employés de leurs contacts et leur présenter les opportunités de carrière à long terme dans l'entreprise.

Une étude récente a d'ailleurs montré que les supérieurs qui occupent une place plus centrale dans les réseaux informels de l'organisation sont perçus comme de meilleurs leaders par leurs employés. Le réseautage des supérieurs immédiats aide donc à fidéliser les employés.

Enfin, il ne faut pas se le cacher, les supérieurs immédiats qui présentent ces qualités sont bien souvent des personnes aidées par des traits de personnalité favorables. Par exemple, l'extraversion (liée à un besoin de stimulation, d'activité et d'interactions interpersonnelles) et l'amabilité (reflétant une personnalité courtoise, flexible, confiante, coopérative, tolérante, et de contact facile) facilitent le développement d'une position centrale dans les réseaux informels de l'organisation. Les supérieurs présentant des scores élevés sur ces traits seront donc plus en mesure de transformer l'engagement que leurs employés leur portent en engagement envers l'organisation.

Pour résumer, les organisations peuvent utilement impliquer leurs supérieurs immédiats dans la stratégie de fidélisation de leurs employés, à la condition de s'assurer qu'ils partagent les valeurs de l'organisation, qu'ils possèdent du pouvoir, ont développé un solide réseau de relations dans l'entreprise, et se caractérisent par une personnalité agréable, ayant un ascendant social marqué.

L'auteur, Christian Vandenberghe, est titulaire de la chaire de recherche du Canada en gestion de l'engagement et du rendement des employés à HEC Montréal. https://neumann.hec.ca/chairegere/