La première année du mariage entre la Société générale de financement (SGF) et Alliance Films a coûté très cher. La société d'État doit inscrire à son bilan des provisions pour pertes et radiations de l'ordre de 43 millions de dollars, un an après son investissement initial de 100 millions dans le distributeur cinématographique.

La SGF a dévoilé jeudi des pertes nettes totales de 261 millions pour l'exercice 2008, ce qui représente un rendement négatif de 14,3%.

 

Dans le cas d'Alliance, la SGF a investi un total de 115,4 millions au cours de l'année. C'est donc dire que les provisions sont équivalentes à 37% de l'investissement total.

En entrevue à La Presse Affaires, le président-directeur général de la SGF, Pierre Shedleur, a convenu que «c'est actuellement beaucoup plus difficile que prévu» pour Alliance.

«Il faut comprendre qu'Alliance Films est frappé par la crise, a-t-il expliqué. Alliance fait dans la distribution et connaît le même genre de difficultés que le commerce de détail.»

Mais si le secteur de la distribution n'est pas très rentable à l'heure actuelle, la SGF assure qu'elle n'est pas déficitaire dans le secteur de la production de films.

La SGF a annoncé son investissement dans Alliance en janvier 2008. Elle a acquis une participation de 38,5% tout en mettant la main sur 51% des droits de vote pour devenir actionnaire de contrôle.

Quelques mois plus tard, tant Moody's que Standard & Poor's ont décoté Alliance, entre autres en raison de sa dette élevée. On craignait que l'entreprise ne puisse faire face à ses obligations financières, mais les actionnaires ont répondu en injectant 40 millions, dont 15,4 millions pour la SGF.

En novembre, Alliance Films a annoncé le rachat à escompte de sa dette de 450 millions. Ni l'entreprise ni la SGF n'avaient donné de détails sur la transaction, mais Pierre Shedleur a confirmé que la SGF n'avait pas injecté d'argent supplémentaire pour cette transaction.

Les pertes de 261 millions de la SGF en 2008 sont les pires depuis le recul d'un demi-milliard en 2003.

En 2006 et 2007, la société d'État avait enregistré des bénéfices de 75 et 57 millions.

Les difficultés du secteur manufacturier, durement frappé par la crise économique et par la baisse de la demande américaine, ont malmené les résultats de la SGF. Plus de 80% du portefeuille de la Société est concentré dans le secteur manufacturier.

La SGF a perdu un total de 238 millions à la suite des fermetures des entreprises pétrochimiques Pétromont (75 millions, en plus des 52 millions de l'année précédente) et PTT Poly (108 millions), de même que de la société forestière Temlam (55 millions).

«On ne pouvait rien faire pour arrêter cela, dit Pierre Shedleur. On s'est promené dans le monde entier pour essayer de vendre Pétromont et PTT.»

En 2009, encore la crise

La SGF a investi 176 millions dans des projets de développement économique en 2008, soit 57 millions de moins que l'année précédente. «Nous avions beaucoup de projets en cours d'année, mais beaucoup d'entreprises se sont retirées en raison de la crise», explique Pierre Shedleur.

La SGF a notamment investi 60 millions dans la pharmaceutique Axcan Pharma et elle a pris une participation de 30% dans la société MediaMed, une société de technologies de l'information appliquées au domaine médical. Elle a également réinvesti 4 millions dans le projet diamantifère Ungava.

La crise continuera d'affecter négativement la SGF en 2009. «Ce sera très difficile pour tout le monde, et ce serait étonnant que la SGF soit en surplus», note M. Shedleur.

La SGF se réjouit néanmoins de voir le gouvernement injecter 1,25 milliard de dollars dans les deux prochaines années. C'est le premier envoi de fonds à la SGF depuis le début de la décennie. La SGF pourra aussi utiliser d'autres moyens d'intervention dans l'économie, comme le prêt ou la débenture.

M. Shedleur entend utiliser cet argent pour venir en aide aux entreprises en difficulté pendant la crise, en veillant toutefois à soutenir celles qui pourront croître après la récession. «On devra prendre un peu plus de risques qu'on voudrait, dit-il. Mais il n'y a plus rien qui n'est pas risqué.»

PCAA

Par ailleurs, le papier commercial adossé à des actifs (PCAA) continue de peser sur le bilan de la Société générale de financement. L'organisme a dû augmenter à 41% (au lieu de 15%) la dévaluation de ses placements de 138 millions en PCAA.

Il s'agit d'une perte additionnelle de 37 millions de dollars pour l'exercice, pour un total de 57 millions depuis le début de la désastreuse aventure du PCAA.