Une universitaire américaine a trouvé une explication étonnante aux succès et aux malheurs des investisseurs: leur bagage génétique.

Selon Camelia Kuhnen, professeure d'économie à l'Université Northwestern en Illinois, le bagage génétique lié à deux neurotransmetteurs influence les décisions d'investissement. Les investisseurs qui ont une forte concentration de dopamine prennent davantage de risques à la Bourse, tandis que ceux qui ont une forte concentration de sérotonine sont plus prudents.

 

La dopamine est un neurotransmetteur généralement associé au goût du risque - les personnes qui ont un problème de jeu en ont souvent une forte concentration. La sérotonine, elle, est plutôt associée à l'aversion au risque et aux problèmes d'anxiété. «Nous avions hâte de voir si ces deux gènes auraient un effet aussi déterminant sur des gens qui n'ont pas de problèmes psychologiques», dit Camelia Kuhnen, qui a publié le mois dernier une étude sur la génétique des investisseurs réalisée avec sa collègue du département de neurologie de Northwestern, Joan Y. Chiao.

Afin de vérifier leur hypothèse, les deux professeures ont donné différentes combinaisons d'investissements - certains très risqués, d'autres moins - à 65 étudiants. Elles ont ensuite pris l'ADN de leurs cobayes. Les résultats ont été concluants: les étudiants qui avaient une forte concentration de dopamine ont pris 25% plus de risques avec leur portefeuille, tandis que les étudiants qui avaient une forte concentration de sérotonine ont pris 28% moins de risques.

Les résultats de l'étude de l'Université Northwestern n'étonnent pas le Dr Guy Rouleau, professeur de neurologie à l'Université de Montréal et directeur de la recherche à l'hôpital Sainte-Justine. «La dopamine et la sérotonine sont connues pour influencer la prise de décision en matière de risque, dit-il. C'est simplement une application des connaissances médicales dans un nouveau domaine d'activités, la finance. C'est toutefois la première fois qu'une recherche arrive à cette conclusion.»

Même s'il s'agit de la première étude scientifique à lier le bagage génétique au profil d'investisseur, les deux professeures de Northwestern tiennent à relativiser l'importance de leur découverte. «Nous démontrons que certaines personnes sont plus enclines à prendre des risques, mais ça ne veut pas dire que ces mêmes personnes sont obligées de le faire», dit la professeure Kuhnen.

Camelia Kuhnen aimerait maintenant réaliser une deuxième étude plus approfondie auprès de professionnels de la finance. Craint-elle d'ouvrir une boîte de Pandore en s'intéressant à l'ADN de Wall Street? Car qui sait si le milieu financier pourrait être tenté de mettre à profit ses découvertes et de s'intéresser à l'ADN de ses employés? «Je pense et j'espère que ce ne sera pas le cas», dit-elle.

Tout compte fait, l'économiste américaine n'a pas vraiment résolu le dilemme des investisseurs qui cherchent un coupable pour leurs pertes à la Bourse. De son propre aveu, blâmer la génétique pour ses déboires boursiers est une solution trop facile. «Les gens ne devraient pas blâmer leur ADN pour leurs mauvais investissements, dit la professeure Kuhnen. En général, seulement 30% de nos décisions dans la vie sont causées par la génétique, et 70% proviennent de notre culture, de notre éducation et de nos expériences antérieures.»

Un constat partagé par le Dr Guy Rouleau, qui rappelle que deux neurotransmetteurs comme la dopamine et la sérotonine pèsent finalement peu dans la balance face à 20 000 gènes et à une vie d'expériences. «De toute façon, l'important n'est pas les gènes que vous possédez mais bien ce que vous faites avec», dit-il.