Une semaine après la divulgation tant attendue des résultats officiels de la Caisse de dépôt pour 2008, le ministère des Finances refuse de révéler l'ampleur des dégâts subis par le Fonds des générations créé pour rembourser la lourde dette du Québec.

«On ne sait pas encore si on divulguera l'information ou pas», a fait savoir le porte-parole du Ministère, Jacques Delorme. Si c'est oui, il faudra probablement attendre au prochain budget pour en prendre connaissance, a-t-il dit.

 

Le Fonds des générations a été confié à la Caisse de dépôt pour qu'elle le fasse fructifier. Mais cet argent mis de côté de peine et de misère par le gouvernement depuis le 1er janvier 2007 a plutôt fondu en raison de la performance désastreuse de la Caisse en 2008. Ce qu'il en reste aujourd'hui demeure un secret d'État.

Le ministère des Finances n'est pas le seul à retenir l'information. En fait, seulement deux des principaux déposants de la Caisse de dépôt ont fait connaître le taux de rendement obtenu avec leur argent. Il s'agit de la Régie des rentes du Québec (-26,4%) et la Commission de la construction (-16,99%).

Les autres invoquent toutes sortes de raisons pour garder le silence. À la Société d'assurance automobile (SAAQ), le porte-parole Gino Desrosiers explique que la politique de la société a toujours été de mettre cette information dans son rapport annuel et que les pertes historiques enregistrées par la Caisse de dépôt ne justifient pas une dérogation à cette politique. La Société d'assurance automobile a jusqu'au dernier jour du mois d'avril pour publier son rapport annuel.

La CSST, de son côté, attend d'avoir présenté les chiffres à son conseil d'administration, à la fin du mois, avant de les rendre publics.

Même silence du côté des régimes de retraite des employés du secteur public, dont les fonds comptent pour 55% de tout l'argent confié à la Caisse de dépôt. La Commission administrative des régimes de retraite et d'assurance (CARRA), qui administre les trois principaux régimes de retraite du secteur public, n'a toujours pas divulgué le rendement obtenu par la Caisse aux déposants de ces régimes, malgré des demandes répétées.

«On le regrette et ça nous inquiète», a commenté hier la porte-parole de l'Association québécoise des retraités des secteurs publics et parapublics, Madeline Michaud.

La porte-parole déplore le manque de transparence du gouvernement envers les premiers concernés par la contre-performance de la Caisse. «Les membres nous appellent et on n'a rien à leur dire».

Un fonds amputé

La Caisse de dépôt, pour sa part, s'est contentée de répéter que les rendements obtenus pour chacun des déposants varient entre -17% et -27%. La Caisse affiche un rendement global de -25% pour 2008 et de 5,6% pour 2007, la première année d'existence du Fonds des générations.

À ce rythme, ce n'est pas demain la veille que l'énorme dette du Québec pourra être réduite. Pour justifier la création d'un Fonds d'investissement plutôt que de rembourser directement la dette publique, le gouvernement de Jean Charest misait sur un rendement minimum de 6,3% par année des fonds confiés à la Caisse de dépôt.

C'est ce qu'on appelle l'effet de levier financier, qui est une stratégie risquée. Dans le cas du Fonds des générations, non seulement l'investissement des surplus n'a pas généré le rendement escompté, mais il y a probablement moins d'argent dans la cagnotte à la fin de l'année qu'au début. Et la dette n'a pas été réduite d'un seul dollar.

Le gouvernement s'attendait à ce que le Fonds des générations, qui contenait 1 milliard à la fin de 2007, ait doublé de valeur, à 1,9 milliard à la fin du présent exercice financier, le 31 mars 2009.

Le Fonds des générations a été alimenté jusqu'à maintenant par les petits surplus budgétaires déjà enregistrés par le gouvernement, par les ventes de biens appartenant à l'État et à ses entreprises et par les droits hydrauliques versés par les producteurs d'électricité, dont Hydro-Québec est de loin le plus important. Il devait aussi recevoir les revenus provenant des exportations d'électricité à venir, mais c'est maintenant moins certain.

La ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, a soulevé la possibilité d'arrêter de verser de l'argent dans le Fonds des générations pour équilibrer son budget cette année et l'an prochain.