Un litige entre le gouvernement Charest et l'opposition menace la tenue d'une commission parlementaire spéciale sur les pertes historiques de la Caisse de dépôt et de placement. Le PQ et l'ADQ veulent que Jean Charest ou, à tout le moins, Monique Jérôme-Forget comparaissent, ce que refusent les libéraux.

Les pourparlers entre les partis ont achoppé hier soir, après une réunion d'environ deux heures. La position du PQ et de l'ADQ a évolué au cours de la journée. Après avoir exigé la comparution à la fois de M. Charest et de Mme Jérôme-Forget, ils semblent prêts à accepter que seule la ministre des Finances vienne s'expliquer en commission parlementaire.

 

«Je ne vois pas comment on peut faire une commission parlementaire sans avoir la ministre de tutelle de la Caisse de dépôt», a affirmé le député péquiste François Legault, membre de la commission permanente des finances publiques. L'accord de l'opposition est nécessaire pour que cette commission détienne le mandat d'étudier les déboires de la Caisse.

«Ce serait important d'avoir au moins la ministre des Finances avec nous pour cette commission-là», a indiqué de son côté le député adéquiste, François Bonnardel, qui réclame également une enquête du Vérificateur général sur la gestion de la Caisse au cours de la dernière année. Selon lui, les libéraux ne doivent pas se servir d'une commission spéciale pour « trouver desboucs émissaires».

Désaccords

Le gouvernement souhaite une commission parlementaire spéciale, mais pas aux conditions de l'opposition. «Il y a des endroits pour questionner le premier ministre et la ministre des Finances», a affirmé le député libéral Alain Paquet, faisant référence à la période des questions. «Il n'y a rien qui empêche le débat politique de se faire», a ajouté le président de la commission des finances publiques. Selon lui, ce sont les dirigeants de la Caisse qui doivent répondre aux questions des parlementaires sur leur gestion. Dans une lettre du 20 février adressée à M. Paquet, François Legault réclamait une commission spéciale, mais n'exigeait pas la comparution de membres du gouvernement, font valoir les libéraux.

Le gouvernement souhaite que les audiences sur la Caisse se tiennent dès la semaine prochaine. Le PQ et l'ADQ préfèrent attendre que la Caisse ait produit son rapport annuel afin d'avoir «toutes les informations» en main.

«On a senti vraiment (chez les libéraux) une volonté d'expédier rapidement la commission en quelques jours sans aller au fond du dossier. Si le gouvernement ne souhaite pas aller au fond des choses, il vivra avec les conséquences», a affirmé François Legault.

Plus tôt, en conférence de presse, la chef péquiste Pauline Marois a accusé le gouvernement de vouloir «faire porter le fardeau de la preuve sur les dirigeants et ex-dirigeants de la Caisse de dépôt et placement». «C'est une hypocrisie pure et simple», a-t-elle lancé.

Jean Charest et Monique Jérôme-Forget ne peuvent «se laver les mains» de cette débâcle et décliner toute responsabilité. «M. Charest doit admettre qu'il a fait une erreur monumentale en 2004 en modifiant la Loi sur la Caisse», a-t-elle affirmé. Les investissements dans les papiers commerciaux et une bonne partie des pertes de la Caisse sont à ses yeux le résultat de la «stratégie du rendement à tout prix» préconisée par le gouvernement. Québec a modifié le mandat de la Caisse pour faire primer la recherche du rendement optimal sur la contribution au développement économique du Québec. Ces deux missions étaient sur un pied d'égalité auparavant.

Pauline Marois se dit «outrée» que le premier ministre dise qu'il ignorait l'état des finances de la Caisse. Le président du conseil d'administration de la Caisse, Pierre Brunet, a admis en campagne électorale qu'il parlait tous les jours à la ministre des Finances. Jean Charest a «camouflé le désastre» afin de «se faire élire sous de fausses représentations», a tonné la chef péquiste.

Selon elle, les pertes enregistrées par la Caisse entraîneront une hausse des cotisations et des tarifs de la part des déposants, comme la Régie des rentes, la CSST et la SAAQ. Les communiqués de presse au ton rassurant émis hier par ces sociétés d'État, «ça sent la manipulation de la population», a-t-elle dit.

François Bonnardel croit que «le gouvernement libéral est l'acteur principal de cette catastrophe». «C'est l'une des plus grandes impostures de l'histoire politique du Québec», a-t-il lancé, accusant le gouvernement d'avoir fait des «cachotteries». Il reproche à Jean Charest d'avoir «ridiculisé, même démonisé» l'ADQ en campagne électorale alors que le parti sonnait l'alarme au sujet des pertes de la Caisse. Lorsque l'économie se portait mieux, «le premier ministre s'attribuait le mérite des bons résultats de la Caisse. Aujourd'hui, il devra avoir l'humilité et le sens du devoir nécessaires pour prendre la responsabilité de ses mauvaises performances.»