C'est une véritable bouffée d'oxygène pour l'industrie spatiale québécoise.

Depuis 10 ans, l'Agence spatiale canadienne se débrouille avec un budget figé aux alentours de 300 millions de dollars. Ce n'est pas l'asphyxie, mais ce n'est pas non plus particulièrement vivifiant.

«À cause de l'inflation, très élevée dans le domaine spatial, le «pouvoir d'achat» de l'agence a diminué de 30 à 40% depuis la fin des années 90», déplore Marc-André Soucy, directeur de l'industrie de télédétection chez ABB, une multinationale qui emploie environ 750 personnes au Québec, dont une cinquantaine dans le domaine spatial.

 

Dans son dernier budget, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement supplémentaire de 110 millions de dollars sur trois ans pour l'Agence spatiale canadienne, une nouvelle qui a réjoui l'institution et l'industrie.

«C'est une très bonne nouvelle pour les entreprises qui sont impliquées dans l'espace, s'exclame Weslaw Jamroz, directeur des projets avec l'Agence spatiale pour MPB Technologies, une entreprise de Pointe-Claire spécialisé notamment dans le secteur de la photonique. Cela faisait très longtemps que nous avions besoin de ça.»

M. Soucy fait observer que chaque dollar supplémentaire accordé à l'Agence spatiale bénéficie en grande partie à l'industrie parce que le budget régulier de l'institution couvre déjà ses frais fixes.

Le gouvernement fédéral a précisé que sa contribution additionnelle de 110 millions viendra appuyer les projets de l'Agence spatiale dans le domaine de la robotique avancée. Cet investissement devrait notamment contribuer à la mise au point de prototypes terrestres d'astromobiles comme le Mars Lander et le Lunar Rover. Ces petits véhicules robotiques pourront explorer la surface de notre satellite ou de Mars et analyser des échantillons de sol.

Espoir au Québec

L'expertise canadienne en robotique se concentre surtout en Ontario, avec MDA (MacDonald, Dettwiler and Associates), qui a notamment conçu le bras manipulateur de la Station spatiale internationale. Mais les entreprises situées au Québec ont bon espoir de monter à bord des futures astromobiles.

«Notre division de Brampton pourrait être le maître d'oeuvre des projets en robotique, mais ici, à Montréal, nous pourrions aussi obtenir une partie des travaux», commente Marc Donato, le vice-président responsable des activités montréalaises chez MDA.

Les installations de MDA à Sainte-Anne-de-Bellevue (anciennement SPAR Aérospatiale) ont d'ailleurs participé à la conception et la fabrication du bras manipulateur de la navette spatiale.

«Nous avons aussi fabriqué tous les joints et les pièces les plus complexes du bras manipulateur de la Station spatiale et les joints mécaniques de Dextre (le petit robot manipulateur qui se trouve à l'extrémité du bras), rappelle M. Donato. Nous avons également conçu le poste de contrôle de ces éléments pour la Station spatiale.»

L'industrie québécoise compte également sur le fait que pour l'Agence spatiale, la définition de la robotique est assez large.

«Notre intérêt ne porte pas uniquement sur les véhicules eux-mêmes, mais sur la technologie qui ira dessus, indique Gilles Leclerc, directeur général des technologies spatiales à l'Agence spatiale. C'est loin d'être seulement de la robotique. Sur ces véhicules, il n'y aura pas seulement des foreuses et des bras manipulateurs, mais des instruments scientifiques. En plus, nous avons développé ici de très bonnes compétences en vision spatiale, en intelligence artificielle et en navigation.»

Pour pouvoir accomplir leur mission, les robots doivent «voir» leur environnement et transmettre ces informations aux opérateurs.

Chez ABB, à Québec, on travaille justement sur des systèmes de vision, tout comme l'Institut national d'optique (INO), également établi à Québec.

«Même si on parle de robotique, ils pourront avoir besoin de systèmes de vision, d'optique ou de photonique», avance le gestionnaire du programme des technologies pour l'espace et l'astronomie, François Châteauneuf.

L'institut emploie environ 215 employés, mais à l'heure actuelle, moins de 6% de ses revenus de 35 millions proviennent du domaine spatial.

«Notre intention est de prendre une bonne partie des technologies de l'INO qui ont un potentiel pour des applications dans l'espace et de les amener à un niveau de maturité qui les rendra intéressantes aux yeux des intégrateurs de systèmes», indique M. Châteauneuf.

De son côté, MPB Technologies est plutôt spécialisée dans divers types d'instruments scientifiques. Elle pourrait avoir une participation indirecte dans les projets de robotique de l'Agence.

«Nous sommes impliqués dans quelques projets liés à l'espace où nous fournissons des instruments utilisés par des robots», indique M. Jamroz.

Pour sa part, L-3 MAPPS a bien l'intention de présenter à l'Agence spatiale des projets dans le domaine de la simulation et de la réalité virtuelle afin de l'aider à concevoir et valider des systèmes robotiques.

L'entreprise, qui emploie environ 225 personnes à Saint-Laurent, est une ancienne division du fabricant de simulateurs de vol CAE.

«Nous sommes toujours du côté de la simulation, commente le chef des communications de L-3 MAPPS, André Rochon. Par exemple, à Montréal, nous avons fait le système d'entraînement pour le bras manipulateur canadien.»

Secteurs connexes

Gilles Leclerc note que des entreprises qui ne sont pas actuellement actives dans le domaine spatial pourraient aussi prendre place à bord des projets de l'Agence spatiale, qu'on pense notamment aux entreprises de l'industrie automobile ou à celles qui ont développé une expertise dans les moteurs électriques.

Il rappelle que l'investissement additionnel de 110 millions fait partie du plan de stimulation du gouvernement fédéral.

«Nous sommes une agence spatiale, ce que nous faisons, c'est pour l'espace, mais nous pouvons peut-être aider, de façon modeste, d'autres secteurs, et faire des transferts technologiques», déclare-t-il.

Il donne l'exemple de Bombardier Produits récréatifs (BRP), qui fait face à des difficultés dans ses marchés traditionnels.

«S'il y a quelqu'un qui a de l'expérience en véhicules tout-terrain au Canada, c'est bien eux», lance M. Leclerc.

BRP ne s'intéresse cependant pas à l'espace pour l'instant.

«Nous nous concentrons davantage sur nos activités sur la terre, comme le Spyder», indique le vice-président aux communications de BRP, Pierre Pichette.

Par contre, il indique que l'Agence spatiale discute présentement avec le Centre de technologie avancée de l'Université de Sherbrooke, un centre créé par BRP et l'université il y a deux ans.

L'investissement supplémentaire d'Ottawa sera versé en trois tranches de 20 millions, 60 millions et 30 millions. L'Agence spatiale entend lancer rapidement des appels d'offres et négocier de premiers contrats dès septembre prochain.

«Nous avons une pression, nous répondons à un besoin, celui de préserver des emplois et de créer les emplois de demain», déclare M. Leclerc.

 

CONTRATS ACCORDÉS DANS LE CADRE DU PROGRAMME SPATIAL CANADIEN

De 1988 à 2007

Pourcentage de la valeur des contrats

Réalisé / Objectif

Ontario 45,5 / 35

Québec 30,1 / 35

Colombie-Britannique 11,7 / 10

Prairies 9,4 / 10

Atlantique 3,4 / 10