En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion.

Qu'est-ce que Bell Mobilité et l'entreprise américaine Comcast ont en commun? Elles ont subi publiquement les témoignages négatifs de clients insatisfaits sur l'internet.

 

D'un côté, l'humoriste Jean-François Mercier a documenté ses déboires avec le service à la clientèle de Bell Mobilité à l'aide de vidéos qu'il a ensuite mis en ligne sur le site internet YouTube et qui ont été visionnés par des milliers d'internautes.

Du côté de Comcast, lors d'un appel de service, un de ses employés s'est endormi sur le divan du client. Ce dernier a filmé cet incident et a aussi téléchargé le tout sur l'internet, où des centaines de milliers d'internautes ont pu voir l'incident, qui fut d'ailleurs repris par les médias de masse. De telles situations représentent évidemment des «cauchemars» en matière de relations publiques pour les entreprises concernées.

Bienvenue dans un monde où les consommateurs ont pris le pouvoir!

Évidemment, les consommateurs ont toujours eu du pouvoir car, au final, ce sont eux qui décident d'acheter ou non les produits et services offerts par les détaillants. Toutefois, il n'est pas rare d'entendre des consommateurs dire que s'ils avaient su, ils n'auraient pas acheté tel produit ou choisi tel fournisseur de service.

Depuis quelques années, l'internet fait en sorte que les consommateurs sont mieux informés et par conséquent prennent de plus en plus de pouvoir vis-à-vis des entreprises. La vague web 2.0 représente un phénomène par lequel les consommateurs génèrent des contenus (textes, vidéos, etc.) sur des plateformes de communication de masse (blogues, wikis, communautés virtuelles, réseaux sociaux, etc.) qui sont souvent utiles à d'autres consommateurs cherchant à s'informer sur les produits et services offerts. Les cas de Bell Mobilité et Comcast ne sont évidemment que deux exemples parmi tant d'autres.

Le pouvoir des consommateurs québécois s'est-il également accru?

Un sondage mené en 2008 par la firme Léger Marketing auprès de 1502 adultes canadiens révèle que ces derniers perçoivent effectivement que l'internet leur donne un pouvoir accru face aux entreprises. Toutefois, tous ne voient pas cette prise de pouvoir de la même façon.

Il semble que cette perception de pouvoir augmente graduellement de 18 à 44 ans et décline rapidement par la suite. De plus, c'est au Québec que cette augmentation de pouvoir, bien que présente, se fait la moins sentir chez les consommateurs.

La barrière de la langue semble y être pour quelque chose. Par exemple, plusieurs sites d'entraide entre consommateurs ne sont offerts qu'en anglais tel que le site Gethuman.com, qui permet aux consommateurs de déjouer les systèmes téléphoniques automatisés des entreprises afin de parler à un employé rapidement.

Quelques recommandations

Tout d'abord, les entreprises doivent vérifier comment la prise de pouvoir des consommateurs les affecte et comment adapter leurs activités marketing afin de s'en servir à leur avantage.

Elles devraient à tout le moins recenser le contenu généré par les consommateurs afin de connaître ce que ces derniers disent au sujet de leurs marques.

Plusieurs firmes américaines et quelques-unes d'ici telles que Exvisu se spécialisent dans ce créneau en offrant leurs services aux entreprises voulant suivre les «conversations» entre les consommateurs sur l'internet.

Les entreprises devraient aussi utiliser les opportunités reliées au contenu généré par les consommateurs afin de conduire des activités publicitaires, de développement de nouveaux produits et de gestion de leurs relations clients.

Par exemple, la compagnie Dell offre à ses clients une plateforme internet sur laquelle ils peuvent échanger entre eux ou avec des employés de l'entreprise afin d'obtenir des réponses à leurs questions. Évidemment, Dell se sert aussi de ces conversations comme sources d'idées pour de nouveaux produits.

Ainsi, la prise de pouvoir des consommateurs est là pour de bon et les entreprises devront s'adapter à cette réalité en utilisant ces nouveaux outils technologiques et ces sources de données abondantes afin de bâtir des meilleures relations avec leurs clients.

En retour, leurs clients devraient être plus satisfaits, loyaux et donc profitables! Dans les cas de Bell Mobilité et de Comcast, les deux clients ont finalement obtenu le service qu'il leur était dû quelque temps après la mise en ligne de leurs témoignages. Le fait qu'ils aient utilisé un média de masse tel que l'internet n'est pas étranger à l'empressement de ces deux entreprises à les satisfaire!

Un chapitre du livre à paraître en 2009 aux Éditions Transcontinental et intitulé «La compagnie déloyale» traite de ce sujet plus en détail.

L'auteur est titulaire de la Chaire de commerce électronique RBC Groupe Financier à HEC Montréal.