Décidément, la crise financière donne du fil à retordre à la Caisse de dépôt et placement et à son investissement de quelque 2 milliards de dollars dans la British Airport Authority (BAA).

À la liste des récentes déconvenues de BAA, il faudra sans doute ajouter la vente de l'aérogare Gatwick.

BAA ne pourra pas obtenir les 2 milliards de livres sterling (environ 3,8 milliards CAN) qu'elle espérait contre la cession du second aéroport de Londres.

 

Faute de trouver du financement abordable, les acheteurs potentiels se bousculent moins au portillon pour acquérir une infrastructure qui souffre de surcroît de l'entrée en vigueur d'accords d'Open Sky entre les États-Unis et l'Union européenne qui favorisent l'aéroport de Heathrow, que BAA compte conserver.

D'autres acheteurs

L'agence Bloomberg a rapporté hier qu'un deuxième acheteur potentiel en autant de mois, le consortium formé par 3i Infrastructure plc et un fonds de la Deutsche Bank, s'était retiré. Il imite en cela Hochtief AG.

Deux autres groupes dont un formé par une filiale de Citigroup, la banque américaine dont les radiations d'actifs se comptent par dizaines de milliards, se disent toujours intéressés... s'ils parviennent à boucler le financement de pareille transaction.

Selon les derniers résultats trimestriels de BAA en date du 30 septembre 2008, la valeur de l'actif dont l'exploitation est réglementée par Londres s'élève à 1,7 milliard de livres (3,06 milliards CAN). «Les attentes étaient élevées, mais elles reflétaient les prix payés dans un marché haussier, affirme Andrew Fitchie, analyste chez Collins Stewart, cité par l'agence. La valeur des actifs s'est corrigée et 2 milliards paraissent un prix élevé.»

«Le processus de vente se poursuit, a pour sa part répondu à La Presse Maxime Chagnon, porte-parole de la Caisse. Tant qu'il n'y aura pas d'offre finale, nous ne commenterons pas.»

Forcée par Londres l'été dernier de mettre fin à sa position de monopole dans l'exploitation des aéroports britanniques, BAA a d'abord contesté cette décision avant de choisir de mettre Gatwick en vente le 17 septembre. L'avant-veille, la banque d'affaires américaine Lehman Brothers avait fait faillite et déclenché la pire crise du crédit depuis la Grande Dépression.

BAA était déjà très endettée au moment de la mise en vente de Gatwick. L'entrée en service du terminal 5 à Heathrow l'a forcée à passer dans ses frais d'exploitation les intérêts liés aux emprunts pour sa construction qui pouvaient jusque-là être capitalisés.

BAA a d'ailleurs demandé en août à ses actionnaires de lui avancer de l'argent frais pour faciliter le refinancement du gros de sa dette de près de 12 milliards de livres qui porte un taux moyen de 6,75% après couverture.

La Caisse a dû allonger 213 millions CAN alors qu'elle peinait à dégager des liquidités, compte tenu de l'immobilisation de ses avoirs figés dans le papier commercial (12,6 milliards CAN).

Pour les neuf premiers mois de 2007, BAA a payé 141 millions de livres en intérêts liés à l'exploitation de Heathrow. De janvier à septembre 2008, la facture était grimpée à 347,1 millions.

Le bénéfice après impôt de 218 millions de livres s'est du coup transformé en perte de 210,6 millions, en dépit de l'augmentation des revenus de près de 175 millions.

Bien que ses profits aient fondu durant la même période, Gatwick est demeuré rentable à hauteur de 31,4 millions.

Le bénéfice net de BAA n'est pas public. Il est consolidé aux résultats de son actionnaire principal, l'espagnol Ferrovial, dont l'action a perdu 5,8% hier à Madrid.

Gatwick souffre davantage que Heathrow du ralentissement du trafic aérien attribuable à la récession. Cela ne peut que s'accentuer et dissuader d'autres acheteurs potentiels.

En 2008, le nombre de passagers qui ont utilisé Heathrow, l'aéroport le plus achalandé d'Europe, a reculé de 1,4% par rapport à 2007, celui de Gatwick de 2,8%. Ça se gâte dans les derniers mois: décembre: -2,3% pour Heatrow; -13,8% pour Gathwick. Janvier: -2,1% pour Heathrow; -10,8% pour Gatwick. BAA précise dans ses communiqués que Gatwick souffre de la concentration des vols transatlantiques à Heathrow avec l'entrée en vigueur de l'Open Sky. La Caisse a investi 1,2 milliard de livres en 2006 dans BAA. Sa participation est maintenant évaluée à 1,066 milliard (21,2%), après la revente d'une partie de sa mise. En 2006, une livre valait 2$CAN. Hier, c'était 1,80$CAN.