En collaboration avec HEC Montréal, nous publions notre chronique hebdomadaire sur les défis auxquels font face les entreprises au plan de la gestion

La crise financière actuelle constitue une bonne occasion pour les investisseurs, établissements financiers et organismes de réglementation de repenser leur approche de placement.

 

Malheureusement, les déboires colossaux qu'ont connus les produits financiers sophistiqués adossés aux créances hypothécaires de mauvaise qualité et le scandale Madoff font en sorte que les placements alternatifs se retrouvent en bloc sur le bûcher. Par placement alternatif, nous entendons tout placement non traditionnel, un placement traditionnel étant constitué de dépôts bancaires, d'obligations, d'actions, de fonds mutuels ou de placements immobiliers. Plusieurs observateurs et intervenants de l'industrie les diabolisent, faisant en sorte que la grande majorité des particuliers s'en méfient trop.

La crise financière demande d'améliorer bien des aspects du secteur financier. Mais rayer sans discernement les placements alternatifs constitue selon nous une erreur, comme jeter le bébé avec l'eau du bain.

Variété

La grande variété de placements alternatifs a sa place dans un portefeuille équilibré. Généralement, les placements alternatifs génèrent des rendements différents de ceux des placements traditionnels. La politique de placement des placements alternatifs est plus souple, ce qui leur permet d'offrir un meilleur rapport rendement-risque. Par exemple, les fonds de couverture ont réalisé un rendement cumulatif d'au moins 60% au cours des 10 dernières années, contre environ 11% pour les principaux indices d'actions, et ce, tout en étant substantiellement moins risqués! Aussi, les rendements des placements alternatifs sont moins corrélés avec ceux des placements traditionnels, ce qui permet une meilleure diversification d'un portefeuille contenant de tels placements.

Il existe des placements alternatifs liquides et transparents qui sont faciles à comprendre et à réglementer. Par exemple, certains fonds transigés en Bourse, comme les ETF (des paniers d'actions qui sont cotées en Bourse), sont liquides et permettent d'investir de petits montants dans le pétrole ou autre matière première. En leur absence, quelle serait l'alternative pour un particulier voulant diversifier son portefeuille en investissant dans le pétrole? Acheter de l'essence, l'entreposer dans des bidons et la revendre en temps opportun? Il existe de meilleures solutions!

Les objectifs de placement des particuliers sont similaires à ceux des fondations et des régimes de retraite. Or, ces derniers investissent presque tous en placements alternatifs et leur allouent environ 10% de leur portefeuille, certains allant même jusqu'à 20%. Alors pourquoi pas les particuliers? Investir dans des placements alternatifs liquides et suffisamment simples devrait être sérieusement envisagé par les particuliers et leurs conseillers financiers.

Marginalisés

Malheureusement, les placements alternatifs sont actuellement trop marginalisés, car victimes d'idées préconçues trop souvent erronées. Par exemple, plusieurs pensent qu'on devrait éviter les placements qui utilisent la vente à découvert, car on parie, selon certains, sur la baisse de titres plutôt que sur leur hausse. Cela peut être vrai de certains spéculateurs, mais la vente à découvert peut aussi agir comme outil de gestion des risques, par exemple lorsque l'on veut immuniser un placement des fluctuations importantes des marchés financiers, comme on le vit présentement.

La vente à découvert peut donc être aussi vue comme un outil de saine diversification et de gestion des risques. Comme pour l'énergie nucléaire, le danger avec les ventes à découvert, les fonds de couverture et les placements alternatifs en général, vient de la mauvaise utilisation qu'on peut en faire (comme des produits structurés mal conçus), pas de leur existence.

À long terme, comme pour d'autres secteurs de l'économie, les bonnes innovations financières sont bénéfiques pour les particuliers. Par exemple, l'avènement des fonds mutuels d'actions a permis à tous les particuliers d'investir à coût raisonnable dans des portefeuilles diversifiés d'actions, ce qui n'était auparavant possible que pour les plus riches particuliers ou les investisseurs institutionnels. Les placements alternatifs sont aujourd'hui l'innovation financière qu'ont été les fonds mutuels il y a une quarantaine d'années.

Donc, plutôt que les bannir, établissements financiers et organismes réglementaires devraient donner aux particuliers un meilleur accès à une plus grande variété de placements alternatifs bien conçus. D'ailleurs, ce questionnement ne se place-t-il pas bien dans le contexte des débats qui entourent actuellement la réglementation du commerce des valeurs mobilières au Québec et au Canada?

L'Europe a déjà fait un bon pas dans cette direction à l'intérieur de ses règles UCITS. Le Canada et le Québec possèdent aussi toute l'expertise et l'expérience requises pour développer de bons placements alternatifs, les réglementer correctement et éduquer convenablement les particuliers.

Bien sûr, ce progrès doit être graduel. Mais il faut se préparer maintenant pour que tout soit en place lorsque la crise financière sera du passé et que la confiance des investisseurs sera revenue. En raison des déboires boursiers de la dernière année, tous auront bien besoin d'un meilleur portefeuille pour faire fructifier leur épargne.

Les auteurs: Pierre Laroche est directeur général de la recherche pour Gestion de placements Innocap, et Bruno Rémillard est professeur titulaire au service de l'enseignement des méthodes quantitatives de gestion à HEC Montréal.