Le gouvernement Trudeau doit présenter une mise à jour de son plan visant à soutenir le journalisme dans le budget de la semaine prochaine, mais le récent silence d'Ottawa sur ce dossier a alimenté les inquiétudes de l'industrie des médias pour qui la bouée de sauvetage arrive bien tard.

L'automne dernier, les libéraux fédéraux ont annoncé de nouveaux crédits d'impôt et incitatifs, d'une valeur de 595 millions sur cinq ans, afin de soutenir le secteur des médias en difficulté.

Le ministre des Finances, Bill Morneau, avait alors affirmé qu'un journalisme efficace était essentiel à une démocratie saine et avait ajouté que des détails supplémentaires seraient dans le prochain budget.

Bien que l'industrie ait applaudi ce plan, la stratégie a été critiquée lorsqu'elle a été détaillée dans l'énoncé économique de l'automne, en novembre.

Les conservateurs ont accusé le gouvernement d'essayer d'acheter des journalistes avant les élections d'octobre. Un député a même suggéré que cette aide pourrait représenter une caisse noire qui permettrait de financer une « machine de propagande gigantesque » pour les libéraux. Certains journalistes ont signalé de leur côté que le programme d'aide pourrait affecter l'indépendance et la crédibilité de la presse.

Le gouvernement dit avoir pour objectif de financer le programme, mais sans intervenir pour reconnaître ce qui constitue un média et pour choisir qui serait admissible à l'aide. Ottawa espère que cette approche éloignera l'apparence de conflit entre une presse libre et l'influence du gouvernement.

La mise de l'avant de ce plan pourrait toutefois s'avérer délicate à seulement sept mois des élections fédérales.

En novembre, le gouvernement a annoncé qu'il créerait un groupe d'experts indépendants pour obtenir des conseils sur les mesures à adopter et définir quels médias devraient être admissibles à l'aide.

Mais le gouvernement n'a pas encore mis en place le comité. Des représentants de l'industrie ont indiqué qu'il avaient participé à de bonnes réunions avec des représentants du gouvernement fédéral après l'annonce, mais les rencontres auraient abruptement cessé.

Le temps « presse » pour les médias

John Hinds, président-directeur général de News Media Canada, a fait valoir que le « temps pressait".

Nous avons constaté qu'il n'y avait pas eu beaucoup de va-et-vient [...] C'est un peu anxiogène pour tout le monde, a souligné le dirigeant de l'organisation, qui représente plus de 800 médias. Nous sommes dans la planification d'entreprise pour l'année et sans certitude, cela ne nous aide pas. Beaucoup de publications, qu'elles soient grandes ou petites, sont plutôt précaires à l'heure actuelle. »

La portée et les critères d'un crédit d'impôt sur les coûts de la main-d'oeuvre devront être définis rapidement pour permettre aux médias de prendre des décisions commerciales, a-t-il ajouté. Le crédit d'impôt, qui, espère-t-il, couvrira 30 à 35 % des coûts de personnel dans les salles de rédaction, sera rétroactif à compter du 1er janvier.

Le programme comprend également un crédit d'impôt temporaire non remboursable pour les abonnés des sites d'actualités numériques et la proposition d'un modèle permettant aux organisations de médias à but non lucratif de solliciter le statut d'organisme de bienfaisance, ce qui leur permettra de rechercher des dons pour lesquels elles pourraient émettre des reçus fiscaux - comme l'a fait La Presse + récemment.

Un contexte délicat

Edward Greenspon, un ancien journaliste qui est maintenant président du groupe de réflexion Forum des politiques publiques, dit qu'il sera intéressé de voir si le gouvernement livrera une partie de la marchandise ou choisira plutôt de remettre à plus tard son plan en raison du contexte électoral.

Le Forum des politiques publiques a publié un important rapport contenant des recommandations sur la manière dont le gouvernement pourrait relever le défi complexe d'aider l'industrie de la presse sans nuire au journalisme.

Selon M. Greenspon, s'il y a eu si peu d'activités dans les dernières semaines, le processus accuse un certain retard.

« Vont-ils aller aussi loin que j'espérais ? Je suppose que non. Je vais regarder avec intérêt », a confié M. Greenspon en entrevue.

« S'ils vont de l'avant, ils auront des journalistes contre (leur plan) et des partis d'opposition contre qui leur crieront dessus. S'ils ne le font pas, ce sont probablement les éditeurs, qui ont entendu leur promesse, qui leur crieront dessus. »

Simon Ross, un porte-parole du ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, a affirmé vendredi que les Canadiens devraient s'attendre à ce que le budget de la semaine prochaine contienne les détails des mesures annoncées dans l'énoncé économique de l'automne.