Le succès d'un service de vidéo sur demande comme Netflix ne repose pas sur le financement public ou sur des quotas de contenu québécois ou canadien, mais sur sa capacité à satisfaire ses abonnés.

Changer ce modèle serait dommageable pour Netflix et nuirait même aux productions québécoises et canadiennes qu'elle propose sur sa plateforme, fait valoir le géant de la vidéo sur demande dans son mémoire qui sera rendu public ce vendredi matin, que La Presse a obtenu. Ce document constitue la position qui sera défendue devant le groupe d'experts

présentement chargé de l'examen de la législation en matière de radiodiffusion et de télécommunications.

Demander à Netflix de contribuer au Fonds des médias du Canada, comme certains intervenants l'ont suggéré, alors que l'entreprise américaine n'aurait pas accès aux subventions puisqu'elle est considérée comme étrangère pourrait s'avérer « problématique et discriminatoire », écrit-on.

« Ce qu'on veut démontrer clairement dans ce document, c'est que le système mis en place au Canada, qui a pour objectif de financer le contenu, fournit des avantages et des bénéfices aux joueurs canadiens, explique en entrevue Stéphane Cardin, directeur politiques publiques Canada chez Netflix. Pour nous, ce système-là est un cercle fermé. »

Pas un télédiffuseur

D'entrée de jeu, Netflix estime que la production de contenus est « florissante » au Canada. Ses propres engagements d'investissement de 500 millions sur cinq ans en contenu original sont en voie d'être dépassés « largement », assure-t-on. « De 2011 à 2015, les revenus de l'industrie de la production provenant de Netflix et des services de VSDA (vidéo sur demande par abonnement) ont bondi de 472 % », précise-t-on.

L'entreprise ne demande d'ailleurs pas de profiter de ces subventions, assurant qu'elle a investi plus dans la fiction télévisuelle que les télédiffuseurs canadiens, dont les deux tiers des dépenses sont allés dans des émissions de nouvelles, d'information et de sport.

« Est-ce qu'on va prétendre qu'un dollar en subvention vaut plus qu'un dollar investi du privé ? demande M. Cardin. Nous, on croit fermement qu'au Québec, ce n'est pas parce que la télévision est règlementée qu'elle a du succès mais parce que les Québécois aiment leur télévision. »

Netflix estime qu'elle n'est pas un télédiffuseur, notamment parce qu'elle n'a pas accès aux spectres limités de la radio et de la télévision par signaux hertziens. Elle explique par ailleurs ne pas profiter d'un avantage indu par rapport aux services canadiens de vidéo sur demande, comme Illico et Crave. Tous ces services, depuis 1999, ne sont pas assujettis à la réglementation en vigueur dans le secteur de la radiodiffusion, rappelle-t-on.

On assure par ailleurs que l'entente annoncée avec Ottawa en septembre 2017 prévoyait des investissements de 500 millions « juridiquement contraignants », mais n'offrait aucun avantage en retour. « Aucun marché ou accord particulier en matière de taxation, de quelque nature que ce soit, n'a été conclu. » Netflix, comme elle a accepté de le faire ce mois-ci au Québec avec la TVQ, se conformera aux lois fiscales « dès qu'elles s'appliqueront aux services comme le nôtre ».

Quotas piégés

Quant à l'idée d'astreindre la plateforme Netflix à un quota de contenu canadien ou québécois, elle aurait un effet pernicieux, explique-t-on : celui de proposer à un abonné du contenu qui risque de lui déplaire.

On donne notamment l'exemple du film Les affamés, de Robin Aubert, « un film de zombies » proposé sur Netflix. Le proposer « à un membre québécois qui ne visionne que des comédies romantiques, simplement parce qu'il s'agit d'une production québécoise [risquerait] de générer une réaction négative et une expérience décevante pour ce membre. »

Les algorithmes de Netflix proposent du contenu aux membres uniquement en se basant sur leurs goûts et leurs habitudes de visionnement, précise-t-on. « On a tous le même objectif : on veut que les productions qu'on offre ou qu'on finance soient vues, non seulement sur leur territoire mais partout, dit M. Cardin. On considère qu'il y a plus de désavantages à modifier les algorithmes qu'à mettre en place des mesures de promotions. » Une de ces mesures consiste à créer des sous-catégories de contenu québécois ou canadien. Celles-ci se butent cependant à un obstacle : il n'existe pas de base de données certifiant ces contenus, un outil que Netflix suggère de mettre sur pied.