Le ministre fédéral de l'Infrastructure et des Collectivités espère que des bailleurs de fonds privés se joindront à la Banque de l'infrastructure du Canada afin d'amener l'internet à haute vitesse jusqu'à certaines communautés rurales et nordiques, qui réclament ce service à hauts cris.

Les provinces comptaient beaucoup sur le gouvernement de Justin Trudeau afin qu'il use de l'influence qu'il pouvait avoir auprès de la Banque de l'infrastructure du Canada (BIC) pour ficeler le financement public-privé de ces projets.

Le gouvernement libéral a créé la BIC en 2017, avec une mise de fonds initiale de 35 milliards, en espérant que des investissements publics permettraient d'attirer de trois à quatre fois plus de financements du secteur privé, pour construire des infrastructures extrêmement coûteuses comme de grands axes routiers, des ponts et des systèmes d'alimentation en eau et en électricité. Or, ces projets peuvent générer rapidement des revenus - tarifs, péages sur les routes et les ponts.

Les provinces soutiennent que l'internet à haut débit pourra générer à long terme un flux de revenus intéressant pour un investisseur privé qui serait disposé à payer d'abord les coûts de connexion.

Le ministre fédéral de l'Infrastructure et des Collectivités admet d'emblée que l'installation d'une connexion à haut débit dans une seule communauté rurale n'intéresserait probablement pas de grands investisseurs institutionnels comme les fonds de pension. François-Philippe Champagne étudie donc comment différents modèles de revenus pourraient attirer des bailleurs de fonds privés, ou comment on pourrait regrouper plusieurs petits projets de connexions en un seul.

« Nous examinons différents modèles d'affaires dorénavant possibles grâce à ce nouvel outil (la BIC) qui, à mon avis, nous permet d'accélérer le processus », expliquait le ministre Champagne dans une récente entrevue avec La Presse canadienne. « Je dis souvent que nous pensons en 2018 comme le faisaient nos fondateurs pour le chemin de fer, qui devait relier tout le Canada. »

Une promesse insuffisante

Les libéraux avaient promis 500 millions pour construire des connexions à haut débit, mais les provinces ont soutenu à la fin de 2017 que cette somme était « nettement insuffisante » au regard des besoins des régions éloignées, selon des documents internes du gouvernement fédéral. Les provinces se sont alors tournées vers la banque d'infrastructure, qui est indépendante du gouvernement fédéral même si Ottawa doit approuver tous les prêts consentis.

Amarjeet Sohi, qui était ministre de l'Infrastructure à l'époque, faisait remarquer aux provinces que la seule chose que le gouvernement fédéral pouvait faire était de s'assurer que l'intérêt public guidait les choix de la BIC. Pour le reste, Ottawa devait respecter l'indépendance de la banque d'infrastructure, prévenait-il.

Le ministre Champagne a plutôt suggéré aux provinces, aux territoires et aux municipalités de veiller à ce que leurs projets de connexion internet à haut débit soient « attrayants » pour la BIC et les investisseurs privés - autrement dit : qu'ils puissent générer des revenus. Or, « certains de ces réseaux sont généralement très locaux et pour réunir des investissements, le défi consiste à trouver un modèle de revenus qui serait rentable pour ce projet particulier », admet le ministre, dont la circonscription de Saint-Maurice - Champlain est en partie rurale.

La banque n'a pas publié de liste de projets sur lesquels elle planche, et on ne sait pas quand cette liste sera rendue publique. Un seul projet a été approuvé jusqu'ici pour un financement par l'intermédiaire de la banque : le prêt de 1,28 milliard consenti pour la construction du réseau de trains électriques REM à Montréal, un projet de 6,3 milliards largement piloté et financé par la Caisse de dépôt et placement du Québec. Le dernier rapport financier trimestriel de la banque indique qu'une dette de 1,28 milliard sera garantie par la BIC jusqu'en 2021, et que cette dette devra être remboursée dans un délai de 15 ans.