Alors qu'il était réticent au début de son mandat à adopter des mesures visant à soutenir les médias malgré la crise qui a entraîné la fermeture de plusieurs journaux et la disparition de milliers d'emplois, voilà que le gouvernement Trudeau effectue un virage et soutient qu'il en va de la santé de la démocratie canadienne d'appuyer « un journalisme professionnel fiable ».

Ainsi, le ministre du Patrimoine, Pablo Rodriguez, s'est vu confier le mandat par le premier ministre Justin Trudeau d'élaborer, de concert avec le ministre des Finances Bill Morneau, « des modèles d'affaires qui facilitent davantage les dons de particuliers et le soutien philanthropique accordés pour la diffusion de nouvelles locales et pour appuyer un journalisme professionnel fiable sans but lucratif ».

M. Rodriguez, qui a pris la relève de Mélanie Joly, mutée au ministère du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, devra aussi travailler avec les médias « afin d'examiner des moyens qui permettront au gouvernement de soutenir davantage la transition vers les médias numériques », peut-on lire dans la lettre de mandat du nouveau ministre qui a été diffusée hier.

Pour l'heure, le ministre Rodriguez n'a pas encore de calendrier pour mener à bien les corvées que lui a confiées le premier ministre, bien qu'il ne reste qu'environ 12 mois avant les prochaines élections fédérales, prévues en octobre 2019.

Sous le couvert de l'anonymat, une source gouvernementale a convenu que la réflexion du gouvernement Trudeau en ce qui a trait à l'avenir des médias a évolué quelque peu au cours des derniers mois en raison de la grave crise qui frappe les médias traditionnels, en particulier la presse écrite.

« Il est vrai que le discours a évolué, mais c'est quand même en ligne droite avec ce que nous avons dit depuis le début en ce que nous reconnaissons qu'il y a une crise et que les médias écrits éprouvent beaucoup de difficulté en ce moment. Nous croyons que le journalisme est essentiel pour notre démocratie. Mais aussi, et c'est une condition sine qua non, il faut que toute mesure respecte l'indépendance journalistique. C'est un aspect que nous prenons très au sérieux. »

CHUTE DES REVENUS PUBLICITAIRES

Dans son dernier budget, le ministre des Finances a annoncé un investissement de 50 millions de dollars au cours des cinq prochaines années afin de soutenir le journalisme local. Il avait aussi indiqué avoir l'intention d'examiner les mesures permettant aux particuliers de faire des dons à des médias. Ces mesures avaient toutefois été jugées insuffisantes par l'industrie des médias.

La presse écrite a assisté, impuissante, à une chute brutale de ses revenus publicitaires. À titre d'exemple, les quotidiens canadiens ont vu la moitié de leurs revenus de publicité - environ 1,5 milliard - fondre comme neige au soleil au cours de la dernière décennie. Pis encore, la majeure partie de ces revenus publicitaires a abouti dans les coffres de géants américains comme Google et Facebook, qui n'investissent pas dans le journalisme canadien.

En mai, Power Corporation a décidé de se départir de La Presse afin de permettre au quotidien de devenir la propriété d'un organisme à but non lucratif (OBNL), ouvrant ainsi la porte à des dons philanthropiques, et à une aide gouvernementale. Le nouveau statut de La Presse est entré en vigueur en juillet.