Un distributeur télé peut-il facturer de façon erronée à ses clients des sommes pour financer un fonds pour la télé, sans remettre ensuite ces sommes au fonds en question ? Non, tranche la Cour d'appel du Québec, qui condamne Vidéotron à rembourser 6,7 millions à ses clients dans le cadre d'une action collective.

La Cour d'appel du Québec conclut que Vidéotron s'est « prêtée à de fausses représentations » auprès de 1,5 million de clients entre 2009 et 2014 en percevant des sommes erronées pour cotiser au Fonds pour l'amélioration de la programmation locale (FAPL), mis sur pied pour financer les chaînes de télé généralistes du pays.

« Nous sommes très heureux que la Cour d'appel vienne de confirmer que cette pratique n'est pas acceptable. Vidéotron déduisait les rabais quand il versait l'argent au CRTC », dit Me David Bourgoin, du cabinet BGA Avocats, qui représente le plaignant Charles Girard, un client de Vidéotron, dans le cadre d'une action collective.

Entre 2009 et 2014, les distributeurs télé devaient remettre 1,5 % de leurs revenus télé au FAPL, instauré par le CRTC en 2009 puis aboli en 2014. À la création du FAPL, ils ont averti le CRTC qu'ils refileraient cette cotisation (1,5 % des revenus) à leurs clients - ce qu'ils avaient le droit de faire, et ce qu'ils ont fait.

Mais dans le cas de Vidéotron, une action collective a été autorisée en 2013. Plus tôt ce mois-ci, la Cour d'appel du Québec a confirmé la décision de la Cour supérieure, forçant Vidéotron à rembourser 6,7 millions pour s'être « prêtée à de fausses représentations ».

Vidéo sur demande et rabais multiproduits

Le plus haut tribunal québécois reproche essentiellement deux choses à Vidéotron. D'abord, l'entreprise n'a pas divulgué correctement à ses clients ces frais supplémentaires (1,5 %) sur les factures de vidéo sur demande, en contravention avec la Loi sur la protection du consommateur (LPC). Ces frais supplémentaires non divulgués totalisent 3,3 millions de dollars. Ils ont été versés au CRTC, mais Vidéotron devra tout de même les rembourser à ses clients. Vidéotron ne contestait pas cette partie du dossier devant la Cour d'appel du Québec.

Le deuxième reproche de la Cour d'appel ? Vidéotron a facturé le supplément de 1,5 % sans tenir compte du rabais octroyé à ses clients détenant plusieurs services. En pratique, Vidéotron facturait le supplément sur le prix courant (avant le rabais), mais remettait au CRTC la somme après le rabais. Vidéotron gardait donc pour elle la somme de 1,5 % sur le montant du rabais. Comme cette pratique contrevient à la LPC, Vidéotron devra ainsi verser 3,2 millions à ses clients.

« Ainsi, non seulement l'appelante s'est gardée d'expliquer clairement à ses clients potentiels par la voix de ses agents de vente l'existence de ce coût additionnel et non seulement le calcul qu'elle a effectué n'est pas transparent, mais elle tire en définitive un revenu plus grand que ce qu'elle verse elle-même au CRTC à titre de contribution au FAPL », écrit le juge de la Cour d'appel Jacques Dufresne dans la décision rendue le 11 mai dernier.

« La Cour d'appel a dit : ça ne marche pas, vous parlez des deux côtés de la bouche, on ne peut pas dire une chose au consommateur et une chose au CRTC », a dit Me David Bourgoin.

La Cour d'appel précise toutefois que Vidéotron n'a pas facturé le 1,5 % du FAPL à ses clients sur l'achat de leurs terminaux télé, alors qu'elle a remis cet argent au CRTC. Vidéotron a ainsi déboursé elle-même la partie de la cotisation du FAPL liée à l'achat des terminaux télé. « Le fait que l'appelante a, globalement, versé au CRTC un montant supérieur à celui perçu de ses abonnés, parce qu'elle a pris la décision de ne pas percevoir les frais du FAPL sur les frais d'installation et d'achat de terminaux, ne change rien au fait que le client n'a jamais été informé qu'il devait payer des frais sur un prix d'abonnement qui n'est pas le sien », écrit la Cour d'appel.

La Cour d'appel a réduit les dommages punitifs imposés à Vidéotron de 1 million de dollars à 200 000 $. « Sans être bénigne, la gravité de la violation doit cependant être relativisée » puisqu'il s'agit du « résultat d'un mauvais choix ou d'un faux calcul, qui s'assimile à une insouciance marquée de ses clients », écrit la Cour d'appel du Québec. Me David Bourgoin s'est dit « déçu » de cette partie du jugement et étudie la possibilité de la porter en appel devant la Cour suprême du Canada.

Vidéotron n'a pas commenté le dossier hier et n'a pas indiqué si elle avait l'intention d'en appeler à la Cour suprême du Canada.