Pour la première fois de son histoire, la société CBC/Radio-Canada sera dirigée par une femme. Il s'agit de Catherine Tait, une productrice anglophone bien connue dans le milieu de la télévision et du cinéma.

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a insisté sur cette première en présentant Mme Tait à la presse, mardi matin, dans le foyer de la Chambre des Communes.

«Avec la nomination aujourd'hui de Mme Tait, nous brisons une fois de plus le plafond de verre», s'est réjouie la ministre.

Mme Joly a fait son choix à partir d'une courte liste de candidats recommandés par un comité indépendant.

«Notre mandat n'était pas de sélectionner une seule personne, mais de donner un choix de candidats au gouvernement, a expliqué en entrevue le président du comité, Tom Clark. (...) Les autres choix auraient été plus sûrs. Celui-là est le plus audacieux.»

Ceux qui ont côtoyé Mme Tait la décrivent comme une personne dynamique et visionnaire. On dit qu'elle ne craint pas de prendre des risques et qu'elle a une bonne connaissance de l'industrie autant sur la scène canadienne qu'internationale.

«C'est une des personnes les plus allumées que j'ai rencontrées ces dernières années, s'est exclamée l'ex-présidente de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC), Monique Simard. Elle est très, très au fait des défis du numérique.»

La principale intéressée, qui s'exprime autant en anglais qu'en français, a promis d'aller «plus loin» dans l'offre numérique de la société d'État.

«Je pense qu'il y a déjà eu pas mal de transformations à CBC et Radio-Canada. Alors on a déjà vu une énorme présence sur les plateformes de contenu canadien et puis on va aller plus loin», a-t-elle annoncé sans vouloir donner d'exemples concrets.

Mme Tait est connue au Canada anglais pour avoir dirigé Salter Street Films, la maison de production qui a créé l'émission This Hour has 22 Minutes diffusée à CBC. Elle a débuté sa carrière comme fonctionnaire fédérale il y a plus de 30 ans à ce qu'on appelait à l'époque le ministère des Communications.

Cette femme d'affaires de 60 ans est présentement présidente de Duopoly, une entreprise qui produit du contenu numérique, télévisuel et cinématographique. Elle a travaillé autant au Canada qu'aux États-Unis et habite maintenant à New York.

«Je suis heureuse d'être ici et d'accepter l'un des plus grands défis de l'industrie des médias au Canada. C'est mon emploi de rêve», s'est exclamée Mme Tait mardi matin.

Elle entrera en fonction en juillet pour remplacer l'actuel président-directeur général du diffuseur public, Hubert Lacroix, qui avait été nommé par le gouvernement Harper en 2008. Il devait quitter le 31 décembre, mais son mandat avait été renouvelé pour donner plus de temps au comité indépendant nommé par le gouvernement pour faire ses recommandations.

Parmi les neuf membres de ce comité figurent la cinéaste abénaquise Alanis Obomsawin, l'acteur Colm Feore et le vétéran du journalisme télévisé Tom Clark.

Ce dernier croit que Mme Tait proposera des solutions qui permettront au diffuseur public de poursuivre sa transformation numérique entamée avec la Stratégie 2020 et de mettre fin à sa crise existentielle. Car si Radio-Canada se porte bien, la situation est bien différente pour sa branche anglophone.

«CBC fait face à un défi réel, a constaté Tom Clark. Il est en compétition non seulement avec les productions américaines, mais également avec des productions de partout dans le monde. Mme Tait a une bonne compréhension de ces défis.»

La nomination de Catherine Tait fait partie d'une série de décisions du gouvernement Trudeau pour renforcer le diffuseur public. La première a été de renverser les coupes du gouvernement Harper et ainsi d'augmenter en 2016 le financement de CBC/Radio-Canada de 675 millions sur cinq ans.

La Guilde canadienne des médias, le syndicat qui représente les employés du diffuseur public dans toutes les provinces à l'exception du Québec et du Nouveau-Brunswick, a noté que seule une petite part de cet argent a été affectée à la couverture des nouvelles locales. Le syndicat s'inquiète également qu'un montant important ait été attribué à des productions externes lors de la dernière année. Il espère sensibiliser Mme Tait à ce sujet.

Le gouvernement avait créé un comité indépendant l'an dernier pour revoir le processus de sélection des membres du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada. Il répondait ainsi aux critiques qui jugeaient que le processus de sélection manquait de transparence et ne reflétait pas la diversité canadienne.

Mardi, la ministre Joly a annoncé l'arrivée de quatre autres membres au conseil d'administration: Michael Goldbloom, Suzanne Guèvremont, Guillaume Aniorté et Sandra Singh. Le Montréalais Goldbloom agira à titre de président du conseil.