Le groupe de télévision public russe RT a lancé lundi sa chaîne en français, sept mois après avoir été accusé par le président français Emmanuel Macron de s'être comporté en «organe d'influence» et «de propagande mensongère».

RT France a émis ses premiers journaux en français à partir de 19h00 sur le câble, le satellite et sur son site internet.

RT (ex-Russia Today) a pris pied dans le pays en 2015 avec un site internet dans la langue de Molière et s'y montre très active sur YouTube où ses vidéos, doublées ou sous-titrées, totalisent parfois des centaines de milliers de visionnages.

Avec un budget de départ de 20 millions d'euros, RT France est l'un des plus ambitieux projets du groupe russe. Outre Paris, RT possède notamment des bureaux à Londres, Washington, Tel Aviv et Moscou. Elle émet en anglais, espagnol, arabe et désormais français.

La chaîne basée à Paris, qui emploie 80 journalistes, tentera désormais de se placer sur le marché hautement compétitif en France de l'information en continu.

Et cela, sous la loupe du Conseil supérieur de l'audiovisuel français (CSA), dont le président Olivier Schrameck n'a pas caché sa méfiance.

M. Schrameck a prévenu que le CSA observerait «constamment» les programmes de cette future chaîne et agirait avec «promptitude» en cas d'«anomalies».

Dans son journal télévisé de 20h, aux sujets très internationaux, l'ex-journaliste de BFMTV Stéphanie de Muru s'est intéressée au veto américain à l'ONU concernant Jérusalem, et présenté des rétrospectives des interventions russes en Syrie et de la lutte contre le terrorisme en Europe.

Après un sujet sur les habitants de l'immeuble de Saint-Denis pris d'assaut par le RAID en novembre 2015, le JT se termine par un vox pop d'autopromotion de la chaîne et des extraits d'une entrevue d'Oliver Stone après son documentaire sur Vladimir Poutine.

RT est régulièrement au coeur d'escarmouches diplomatiques entre Moscou et les pays occidentaux, dont les relations se sont dégradées depuis la crise en Ukraine et l'annexion en mars 2014 de la péninsule ukrainienne de Crimée.

Au Royaume-Uni, le régulateur OFCOM a déjà émis 14 mises en demeure et l'a menacée de sanction, pour des sujets notamment sur la Syrie et l'Ukraine.

Fin mai, le président Macron s'en était pris, lors d'une conférence de presse avec son homologue russe Vladimir Poutine, à RT et à l'agence de presse publique russe Sputnik, les accusant de s'être comportés durant la campagne électorale en France «comme des organes d'influence» et «de propagande mensongère», et d'avoir diffusé «des contre-vérités infamantes».

Des accusations que RT a catégoriquement rejetées.

Anti «courant dominant»

La chaîne se veut un contrepoids aux médias «mainstream» accusés d'avoir un biais pro-occidental.

Ses détracteurs lui reprochent de se faire l'écho de théories conspirationnistes et de donner la parole à des personnalités d'extrême droite ou se revendiquant «anti-establishment» qui fustigent la corruption et l'hypocrisie occidentales.

Aux États-Unis, où RT et Sputnik sont accusées de relayer la propagande du Kremlin et soupçonnés d'avoir tenté d'influer sur la présidentielle de 2016, la chaîne a dû se soumettre aux exigences de Washington et s'enregistrer en tant qu'«agent de l'étranger».

En réaction, Moscou a classé à son tour plusieurs médias américains sous le même statut.

Quelques semaines auparavant, Twitter avait déjà décidé d'interdire à RT et Sputnik de diffuser des contenus parrainés.

La présidente de RT France, Xenia Fedorova, s'insurge contre les accusations : «Nous ne venons pas en France avec l'intention de diffuser des informations fausses ou partiales», déclarait-elle récemment.

«RT va apporter quelque chose de nouveau et rafraîchissant. Notre slogan est: "Osez questionner". Nous voulons encourager les spectateurs à poser des questions et à penser en dehors de la «bulle d'informations» des médias mainstream», qui «négligent certains points de vue», a ajouté Mme Fedorova.

Florent Parmentier, de Sciences Po, souligne que RT s'enorgueillit de donner à entendre «ce que l'on entend pas par ailleurs». «Cette position n'est ni plus ni moins les valeurs du système Poutine, ce sont les valeurs du patriotisme ou nationalisme (...), des valeurs conservatrices traditionnelles et une vision de la souveraineté et donc la place spécifique de la Russie».

Ils ouvrent «leur colonnes à l'extrême droite européenne comme à Occupy Wall Street. (...) Tout ce qui n'est pas mainstream est bon à prendre».

Quelques unes de ses couvertures de l'actualité récente laissent augurer un ton très critique vis-à-vis du président Macron. De sa récente tournée africaine, RT a ainsi principalement retenu une boutade lancée au président du Burkina Faso que certains ont jugé méprisante...

Elle a aussi continué à parler du mécontentement contre ses réformes du code du travail bien après l'extinction des mouvements de protestation.

REUTERS

La présidente de RT France, Xenia Fedorova.