Disney va racheter une grande partie des actifs de 21st Century Fox, le groupe de médias fondé par Rupert Murdoch dans une opération qui va bouleverser le paysage des médias, d'Hollywood à la Silicon Valley.

L'entreprise légendaire fondée par Walt Disney en 1923 a annoncé jeudi qu'elle allait notamment mettre la main sur les studios de cinéma 20th Century Fox et les regrouper avec ses propres studios. Elle va aussi acquérir plusieurs chaînes de télévision, mais pas Fox News.

L'opération s'élève à 52,4 milliards de dollars et grimpe à 66,1 milliards avec la reprise de dette.

À eux deux, Disney et 20th Century Fox ont produit récemment le «Crime de l'Orient-Express», «Kingsman: le Cercle d'or», «Logan», «La Planète des Singes» ou encore «Hidden Figures» (Fox), «Pirates des Caraïbes», «La Belle et la Bête», «Cars 3» et «Stars Wars: Les Derniers Jedi» (Disney), dont la sortie est prévue ce vendredi. La plupart de ces films ont été ou devraient être de gros succès en salles à travers le monde.

Dans la télévision, outre ses propres chaînes ABC et le bouquet de chaînes sportives ESPN, Disney détiendra désormais les chaînes FX et National Geographic et va se renforcer à l'international en devenant propriétaire des chaînes indiennes Star ainsi que des 39% détenus par la Fox dans l'opérateur de télévision européen Sky, présent au Royaume-Uni, en Irlande, Allemagne, Autriche et Italie.

Concurrencer Netflix et Amazon

Ces actifs entrent dans la stratégie de Bob Iger, le PDG de Disney, de transformer le groupe en un géant des médias et du divertissement pouvant concurrencer Netflix, Amazon, Facebook ou encore Apple.

Selon la société d'investissement Raymond James, 31% des Américains estiment que les services de diffusion en continu (Amazon, Apple Video, Hulu...) constituent leur première source de contenus vidéos.

L'opération «renforce» Disney «dans les contenus et le divertissement», a d'ailleurs souligné le groupe californien jeudi, qui prévoit de lancer prochainement son propre service de «diffusion en continu» afin de nouer des relations directes avec les spectateurs sans devoir passer par les câblo-opérateurs.

Disney prend en outre le contrôle de Hulu, un service de diffusion en continu populaire aux États-Unis, en récupérant la participation de la Fox qui s'ajoutera à celle qu'il détient déjà.

«ça leur donne une plateforme pour affronter Netflix et Amazon, notamment à l'international», estime l'expert indépendant Alan Wolk. Et Disney va avoir accès à des données sur l'auditoire, ce qui va lui permettre d'affiner son offre de contenus, ajoute-t-il.

«Nous envisageons de créer des contenus de très bonne qualité pour les consommateurs à l'échelle planétaire», insiste Bob Iger, dont le mandat a été prolongé jusqu'en 2021 malgré des rumeurs annonçant l'arrivée de James Murdoch, fils de Rupert, dans l'équipe dirigeante pour prendre sa succession. Il y aura des discussions «pour savoir s'il y a un rôle pour lui ou non dans notre entreprise», a déclaré M. Iger au sujet de James Murdoch.

Le dirigeant espère également relancer l'offre de Disney dans la télévision au moment où les spectateurs américains délaissent la télévision par câble et satellite, très chère aux États-Unis pour s'orienter vers d'autres supports.

La transaction marque également un tournant important dans l'empire des médias bâti par Rupert Murdoch, 86 ans, sur un mélange d'informations populaires et de scandales.

Contenus précieux

Le milliardaire, qui a cédé une grande partie des commandes de son empire à ses deux fils, James et Lachlan, ne conservera plus que la grande chaîne hertzienne américaine Fox, proche de Donald Trump, les stations locales, les chaînes d'informations et des chaînes sportives comme Fox Sports. Ces actifs vont être regroupés dans une nouvelle entité cotée séparément en Bourse.

Il aura aussi toujours le contrôle de ses journaux (Le Wall Street Journal et le New York Post aux États-Unis, le Sun, le Times et le Sunday Times entre autres au Royaume-Uni) qui composent la société indépendante News Corp.

«J'ai appris une leçon tout au long de ma carrière: les contenus et les informations pertinents pour les téléspectateurs seront toujours précieux», avance Rupert Murdoch.

Les termes financiers de l'accord signé avec Disney prévoient que les actionnaires de 21st Century Fox vont détenir 25% du nouveau Disney.

Pour autant, il reste encore à obtenir le feu vert des autorités de la concurrence américaines, une étape qui s'annonce ardue car la plupart des médias américains vont être détenus par une poignée de grands groupes: Comcast (NBCUniversal), Disney-Fox, Viacom, Sony Pictures et Lions Gate.

Le ministère américain de la Justice a récemment bloqué le rachat pour 85,4 milliards de dollars de Time Warner (Studios de cinéma Warner Bros, le bouquet de chaînes à péage HBO...) par l'opérateur télécom AT&T et ce dernier pourrait devoir se séparer d'actifs comme la chaîne d'informations CNN, une des cibles favorites du président Donald Trump. 

L'agence de notation financière S&P Global Ratings a souligné jeudi que la principale difficulté pour Disney sera non seulement d'intégrer les activités de 21st Century Fox aux siennes mais aussi de répondre aux préoccupations des autorités de la concurrence qui pourraient exiger des cessions en échange de leur accord.

Sky, joyau de l'empire Murdoch et géant de la télévision en Europe

(Jean-Baptiste OUBRIER, LONDRES) - En rachetant une partie de l'empire de Murdoch, Disney met la main sur l'un de ses joyaux, le groupe de télévision britannique Sky, un acteur majeur du divertissement et du sport en Europe.

Avec cette acquisition, Disney ne cache pas son souhait de renforcer sa présence à l'international avec Sky, groupe déjà puissant au Royaume-Uni et qui a tissé sa toile ces dernières années en intégrant dans son giron Sky Italia et Sky Deutschland.

Présent dans cinq pays (Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Autriche et Italie), le groupe compte près de 23 millions de clients qui déboursent des dizaines de livres ou d'euros par mois pour accéder à ses programmes disponibles sur de nombreuses chaînes thématiques, ainsi que pour des connexions internet voire des services téléphoniques.

Son chiffre d'affaires a atteint près de 13 milliards de livres en 2016 (14,8 milliards d'euros), associé à une rentabilité confortable.

Le succès et la renommée du groupe reposent surtout sur les droits de diffusion de la Premier League anglaise de football, une des compétitions les plus prisées en Europe, qu'il a acquis à prix d'or.

Depuis l'été 2016, Sky débourse 4,2 milliards de livres sur trois ans pour cette compétition dont il retransmet au Royaume-Uni les matchs les plus attractifs. Mais l'entreprise diffuse aussi du football dans d'autres pays, notamment la Bundesliga en Allemagne et le Calcio en Italie.

En dehors du sport, le groupe est connu pour la diffusion de la série américaine à succès Game of Thrones dans les pays où il opère. Outre ses chaînes de télévision, il propose des services de streaming et de vidéo à la demande et s'est lancé dans la production de fictions.

Il émet en outre la chaîne d'information Sky News, concurrente de BBC News, qui s'est retrouvée malgré elle citée dans le débat sur la prise de contrôle du groupe Sky par la famille de Rupert Murdoch.

Le magnat australien va se séparer de l'un de ses actifs historiques au moment même où il cherchait à y accroître son emprise, à travers une opération qui suscite des remous au Royaume-Uni.

Une affaire de famille

21st Century Fox, société regroupant les activités audiovisuelles des Murdoch, n'a pas hésité à mettre 15 milliards de dollars sur la table l'année dernière pour racheter les parts de Sky qu'il ne détenait pas encore, lui qui est minoritaire avec 39% du capital.

Cette prise de contrôle est un vieux rêve pour l'homme d'affaires qui ne possède plus de participation majoritaire depuis l'introduction en Bourse fin 1994 de la société qui s'appelait encore BSkyB.

Sa première tentative de reconquête en 2011 avait échoué à cause du scandale des écoutes téléphoniques au sein du News of the World, tabloïd de la galaxie Murdoch qui a ensuite été fermé.

Cinq ans après, Murdoch est repassé à l'offensive mais la partie est loin d'être gagnée, son offre de rachat sur Sky ayant pris à nouveau un tour politique avec l'intervention du gouvernement britannique et l'ouverture d'une enquête approfondie afin d'examiner l'impact sur la pluralité des médias.

Murdoch et sa chaîne américaine Fox News, favorite des républicains, sont suspectés de vouloir influencer la vie politique britannique, alors que la famille de l'homme d'affaires possède déjà, via News Corp, deux quotidiens britanniques à grand tirage, The Times et The Sun.

Sky est une affaire de famille pour Murdoch, qui a placé à la tête du conseil d'administration son fils James, par ailleurs directeur général de 21st Century Fox. Ce dernier est revenu à la tête de Sky début 2016 quatre ans après avoir dû démissionner suite à l'affaire autour de News of the World.

Les cartes de la prise de contrôle de Sky par Murdoch sont néanmoins rebattues maintenant que Disney est entré en jeu. La maison-mère de Mickey a d'ailleurs prévenu qu'elle assumerait le contrôle total de Sky si d'aventure Fox parvenait à ses fins en mettant la main sur 100% du capital du britannique.

AP

Avec cette acquisition, Disney ne cache pas son souhait de renforcer sa présence à l'international avec Sky, groupe déjà puissant au Royaume-Uni et qui a tissé sa toile ces dernières années en intégrant dans son giron Sky Italia et Sky Deutschland.

AFP

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