Le Bureau de la concurrence a indiqué lundi qu'il se pencherait sur l'entente annoncée lundi par Torstar et Postmedia, qui verra les deux éditeurs s'échanger des journaux pour ensuite fermer la plupart d'entre eux.

Dans un communiqué, Postmedia Network a indiqué que la transaction n'était pas soumise aux provisions de la Loi sur la concurrence, mais un porte-parole du Bureau de la concurrence, Jayme Albert, a indiqué dans un courriel qu'une étude de l'accord était prévue.

«En vertu de la Loi sur la concurrence, toutes les transactions de toutes tailles dans tous les secteurs de l'économie sont assujetties à une révision du commissaire de la concurrence afin de déterminer si elles peuvent entraîner un amoindrissement substantiel de la concurrence ou l'empêcher, dans n'importe quel marché du Canada», a-t-il affirmé, ajoutant que la transaction pouvait être contestée devant le Tribunal de la concurrence pendant jusqu'à un an.

L'entente annoncée lundi a été vivement critiquée par des observateurs et des syndicats, qui ont estimé qu'elle réduirait la concurrence et qu'elle nuirait à la couverture des nouvelles locales dans les communautés touchées. Les deux éditeurs de journaux l'ont cependant défendue en la qualifiant de nécessaire pour réduire les coûts dans un contexte où les revenus publicitaires diminuent.

Postmedia, qui publie notamment le National Post, a annoncé lundi qu'il fermerait 21 des 22 journaux régionaux qu'il acquiert de Torstar, de même que les quotidiens gratuits Metro à Winnipeg et à Ottawa. Ces fermetures se traduiront par l'élimination de 244 postes.

De son côté, le groupe Metroland Media, de Torstar, a indiqué qu'il fermerait trois des sept quotidiens ontariens achetés de Postmedia, ainsi que huit hebdomadaires régionaux.

Torstar fermera donc les quotidiens Barrie Examiner, Orillia Packet & Times et Northumberland Today, ce qui entraînera la perte de 46 emplois à temps plein ou à temps partiel. Torstar prévoit conserver les quatre autres quotidiens acquis de Postmedia: les St. Catharines Standard, Niagara Falls Review, Welland Tribune et Peterborough Examiner.

Torstar fera aussi disparaître les quotidiens gratuits 24Hours à Toronto et à Vancouver, ce qui entraînera la perte d'un emploi, a-t-il précisé.

«La taille de (la transaction), je crois, est stupéfiante et elle sera stupéfiante pour les gens qui vivent dans ces communautés et qui vont perdre l'accès à leurs nouvelles locales, vraiment», a estimé April Lindgren, professeur associée à l'école de journalisme de Ryerson.

Plus de 200 sources de nouvelles locales - journaux, publications en ligne et autres - ont fermé leurs portes pour diverses raisons au Canada depuis 2008, a-t-elle poursuivi, évoquant des données qu'elle a compilées pour un projet de recherche.

Selon Mme Lindgren, ces échanges d'actifs visent à réduire la concurrence dans les marchés des éditeurs, qui tentent ensuite d'augmenter les tirages de leurs publications existantes dans ces régions.

Par exemple, Postmedia fermera les journaux de Torstar dont la couverture rejoint celle du Ottawa Citizen, qui lui appartient, tandis que Torstar rachète et ferme les titres de Postmedia dans le sud de l'Ontario qui pourraient être en concurrence avec son Toronto Star.

Le Syndicat des communications d'Amérique Canada a demandé au gouvernement fédéral de raffermir la Loi sur la concurrence afin d'empêcher la conclusion d'ententes semblables, qui, selon lui, sont conçues pour éliminer la concurrence.

En septembre, la ministre fédérale du Patrimoine, Mélanie Joly, avait indiqué qu'elle ne piloterait pas un «sauvetage» de l'industrie en mettant en oeuvre les recommandations urgentes comprises dans un rapport du Forum des politiques publiques. Celui-ci recommandait notamment de dégager plus de sources de financement pour les journaux locaux.

«Ce qui rend ceci particulièrement difficile est le fait que nous devrons dire au revoir à plusieurs personnes qui se consacraient aux journaux», a estimé lundi le directeur général et chef de la direction de Postmedia, Paul Godfrey, dans une déclaration.

«Cependant, les coûts soutenus liés à la production de dizaines de petits journaux communautaires dans ces régions, en regard du déclin significatif des revenus publicitaires, étaient tels que la plupart de ces publications ne profitaient plus d'un modèle d'affaires viable.»

«Cette transaction nous permettra de mener notre exploitation de façon plus efficace par l'entremise de synergies géographiques améliorées dans un certain nombre de nos principales régions», a pour sa part estimé le chef de la direction de Torstar, John Boynton, dans un communiqué.

«En achetant des publications à l'intérieur ou près de nos principales régions et en vendant nos publications à l'extérieur de ces régions principales, nous serons en mesure de nous concentrer davantage sur les régions où nous croyons que nous pouvons être plus efficaces pour nos consommateurs et nos clients.»

Les deux entreprises soulignent que l'opération n'aura pas d'effet sur leur trésorerie, puisque les publications sont sensiblement d'égale valeur.

Torstar détient un investissement dans La Presse canadienne, en vertu d'une entente conjointe avec une filiale du quotidien Globe and Mail et avec la société mère du quotidien La Presse.