Le 61e festival des Lions de Cannes s'ouvrait hier. Une vingtaine d'agences du Québec ont soumis des pièces au célèbre concours publicitaire. Quelles sont les attentes?

Karine Courtemanche est à Cannes, où la température frôle les 30 degrés. Mais elle vient de passer trois journées, enfermée avec d'autres jurés, à regarder des campagnes médias huit heures par jour. «Un concentré d'inspiration par intraveineuse!», résume la présidente de Touché! PHD.

L'an dernier, sa firme de stratégies et placement média a été inscrite dans une liste préliminaire Média («shortlist», grâce à une campagne de Sports Chek) du prestigieux Festival international de la créativité de Cannes. D'où son laissez-passer pour être membre d'un des jurys, cette année.

Comme le disent les créatifs: «Une présence dans une liste préliminaire à Cannes, même si on ne gagne pas un Lion en fin de compte, c'est déjà un prix!» «Cette année, dans la catégorie Média, il y avait 3200 cas de 66 pays à visionner, souligne Karine Courtemanche. Environ 300 se sont retrouvés sur la liste préliminaire. [...] La prochaine fois que nous nous retrouverons en shortlist, je fais tout un party!»

Il y a de quoi, surtout quand on sait que le nombre de soumissions est en croissance d'année en année. Et ce, même si les tarifs d'inscriptions ne sont pas négligeables: environ 700 euros dans la catégorie Film, 435 en Affichage et 460 en Radio. Et qu'il faut prévoir de 8000 à 10 000$ pour le voyage sur la Côte d'Azur d'un délégué. «C'est très cher d'envoyer quelqu'un, note Gaëtan Namouric, associé et chef de la réflexion créative de l'agence bleublancrouge. Vaut mieux gagner et ne pas qu'être là et perdre!»

«Cela dit, Cannes, on le voit comme un investissement et non une dépense, dit Annie Aubert, présidente de kbs+. C'est important de rester à l'affût des tendances.»

Cette année, on compte 37 427 soumissions de 97 pays, en hausse de 4%. L'agence bleublancrouge a soumis essentiellement des campagnes radio (CHOM, Séries+). «C'est moins de pièces qu'en 2013, affirme Gaëtan Namouric. On a été plus sélectifs. On a plus investi aux concours Créa et Marketing Awards.»

Des agences récompensées

Cossette a soumis deux fois moins de pièces que l'an dernier (Monnaie royale canadienne, McDonald's, La Presse+). «Mais des pièces qui ont plus de potentiel et qui ont attiré l'attention à l'international», dit Antoine Bécotte, chef de la création de Cossette, qui a remporté des Lions en 2011, 2012 et 2013.

L'agence lg2 (gagnante de Lions en 2012 et en 2013) a fait 50 soumissions. «C'est un peu moins que l'an dernier, avoue Luc Du Sault, vice-président de la création de lg2. Mais les deux dernières années, on a frappé dans le mille, donc c'est très encourageant. Reste que c'est difficile de gagner à Cannes. L'an dernier, l'Australie a tout ramassé!»

«De ce que j'ai vu, l'Allemagne est très forte cette année», ajoute Karine Courtemanche.

Les agences peuvent toutefois se fier à quelques variables avant de soumettre des campagnes. «Le concours des Marketing Awards, à Toronto, peut donner une idée de certains résultats, mentionne Dominique Villeneuve, directrice générale de l'Association des agences de publicité du Québec. Lg2 a été l'agence canadienne la plus récompensée. DentsuBos, Cossette, bleublancrouge, Sid Lee, Tank et Taxi se sont aussi démarquées.»

Les médias sociaux et les blogues créatifs partout sur la planète sont aussi de bons guides, selon Luc Du Sault. «Certains juges des Clio, Marketing Awards et autres One Show se retrouvent à Cannes», note aussi Antoine Bécotte.

L'agence kbs+ use de la même stratégie, elle qui a soumis deux campagnes (SurfEasy et World Vision) qui ont remporté des prix aux Marketing Awards. «Strategyonline.ca a fait un topo sur les gagnants potentiels, et on a été présentés», dit Annie Aubert.

Pays émergents

En ces temps d'austérité, le nombre de soumissions global croît néanmoins en raison de la présence plus marquée de pays émergents. «La Chine a de plus en plus de ressources et va chercher des talents, explique Luc Du Sault. L'agence Wieden+Kennedy s'est installée à Shanghai, il y a quelques années. Les débuts ont été difficiles, mais les entreprises sont désormais plus orientées sur des idées universelles, pas que chinoises.»

Remporter un Lion, c'est une médaille d'or aux yeux de plusieurs, même si ça ne se reflète pas forcément sur le chiffre d'affaires de l'agence. «Les concours internationaux servent aux annonceurs internationaux, croit Gaëtan Namouric. Nous, ce sont les Créa [concours québécois] qui nous servent. Mais c'est quand même bon pour la réputation de l'agence. Une pub qui gagne à un concours a 11 fois plus de chances d'être efficace pour un annonceur.»

«Ça ne peut pas nuire au rayonnement de Cossette, estime Antoine Bécotte. On peut avoir été perçus plus corporatifs quand on a parlé de notre entrée en Bourse. Là, la qualité de notre création ressort.»

Au cours des deux dernières années, les revenus de lg2 ont augmenté. «Mais ce n'est pas nécessairement lié aux gains de Lions, estime Luc Du Sault. C'est dur à chiffrer. Mais ça confirme qu'on fait bien notre travail.»

Et le salaire du VP création? «Non, il n'a pas augmenté, répond en riant Luc Du Sault. Mais ma motivation, oui!»

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SOUMISSIONS PAR PAYS

États-Unis 6213

Brésil 3321

Royaume-Uni 2757

Allemagne 2376

France 1838

Australie 1543

Japon 1146

Canada 995

Inde 976

Chine 952