Dans un marché aux revenus stagnants, les radios commerciales sentent le besoin de séduire les annonceurs autrement. De récentes statistiques sur l'écoute de la radio leur donnent espoir de persévérer.

Autoroute 40, direction ouest, un samedi matin, à la hauteur de Pointe-aux-Trembles. Une publicité numérique de Rouge fm annonce la chanson qui joue présentement sur ses ondes: You're Beautiful. L'auditeur un brin incrédule syntonise le 107,3 FM... et tombe sur la chanson de James Blunt!

«On est arrivés à arrimer le système radio au système digital, explique Chloé Boissonnault, directrice principale, communication-marketing, d'Astral Radio. On ne voulait pas que la chanson reste affichée quand l'animateur parle. Le système affiche un générique de campagne quand aucune chanson ne joue. Par curiosité, bien des gens en voiture l'essaient. Et il y a des chances qu'ils restent accrochés et qu'on crée ainsi des habitudes d'écoute.

«Le défi pour un annonceur, c'est l'instantanéité, ajoute Chloé Boissonnault. De pouvoir rejoindre le consommateur avec quelque chose de particulier, d'actualiser le message au moment précis. Le consommateur est tellement habitué d'avoir du sur-mesure.»

Et le défi pour le diffuseur qu'est aussi Astral Radio (Rouge, NRJ, Mix 96), c'est de retenir le plus d'argent possible d'une tarte publicitaire qui stagne ou ne grimpe que légèrement. Aux États-Unis, on note une hausse de 1% (16,5 milliards de dollars en 2012). «Au Canada (NDLR: un marché aux revenus de 1,6 milliard, selon le CRTC), c'est plat, observe Mario Cecchini, vice-président principal, ventes et marketing d'Astral Radio. On est un média motivé par les ventes locales. Et les détaillants qui annoncent sont plus prudents. Ils prennent des décisions à court terme. Ce n'est pas un rejet de la radio, mais une question de contexte économique.»

«Notre avantage, c'est que la radio demeure un média très flexible et moins coûteux que d'autres, note Richard Lachance, premier vice-président radio de Cogeco Diffusion. C'est un média d'instantanéité.»

«Dans un contexte économique plus difficile, en moins de 24 heures, un annonceur peut être en ondes!», ajoute Daniel Dubois, vice-président, ventes, de Cogeco Diffusion.

Menace radio-canadienne

L'intention de Radio-Canada de tirer des revenus de la publicité sur les ondes d'Espace Musique et CBC2 rend la nécessité de capter l'attention des annonceurs vers soi encore plus vitale. «Radio-Canada projette ainsi des revenus de 15 millions de dollars, dit Daniel Dubois. C'est significatif.»

«On s'y est opposé aux audiences du CRTC, mentionne Mario Cecchini. Le terrain de jeux est inégal. Nous ne vivons que par la pub. Et Radio-Canada bénéficie d'une machine commerciale à travers le pays inégalable. Ce serait un joueur de plus, d'envergure nationale. Le CRTC a laissé la place à beaucoup de nouveaux joueurs depuis 2010. Ça a causé des guerres de prix, à cause des surplus d'inventaires. Ça contribue à garder la tarte publicitaire stagnante.»

Cogeco (98,5 FM, CKOI, Rythme) et Astral prônent ainsi l'innovation et multiplient les initiatives publicitaires. «Aujourd'hui, on a tous des services de créativité média qui doivent, non seulement vendre du temps d'antenne, mais développer des idées sur des avenues non traditionnelles. Ce n'est plus juste la radio. Cogeco c'est aussi de l'affichage et de la mobilité.»

Depuis février, une campagne conjointe entre le 98,5 FM et la loterie Mise-O-Jeu permet à des auditeurs de parier sur le résultat de matchs de hockey du Canadien. Chaque jour, le chroniqueur Dany Dubé fait des prédictions qui se retrouvent sur le réseau d'affichage numérique Metrovision dans le métro de Montréal et sur le 985sports.ca. Un lien permet ensuite de se rendre sur le site de Mise-O-Jeu pour finaliser la transaction.

De son côté, Astral Radio permet depuis l'automne dernier d'annoncer sur les systèmes RDS (Radio Data System) des voitures, soit les bandes défilantes sur les appareils radio des voitures qui annoncent les chansons en ondes. «Nous sommes les seuls à offrir ça, affirme Mario Cecchini. Des Bell et Ultramar ont annoncé jusqu'à présent. Nous sommes satisfaits des revenus, car les coûts d'exploitation sont raisonnables.»

Les résultats de récentes études compilées par l'Association canadienne des radiodiffuseurs donnent raison aux diffuseurs de se renouveler. Un nombre significatif de jeunes auditeurs serait attiré par la radio. Et le temps toujours plus long passé dans notre voiture aux heures de pointe rend la radio encore plus attrayante pour les annonceurs face aux auditeurs obligatoirement captifs (voir tableau). «Il y a des villes où ça ne va que s'accentuer à cause des travaux d'infrastructure, souligne Mario Cecchini. Ça nous avantage...»

En chiffres

60%


Pourcentage des auditeurs adolescents qui disent que la radio les aide à découvrir de la musique qu'ils n'avaient pas encore entendue.

65

Nombre moyen de minutes passées lors des déplacements en voiture aux heures de pointe (c'était 54 minutes en 1992).

31%

Pourcentage des publicités non entendues ou évitées par l'auditeur (49% à la télé et 74% en ligne).

68%

Pourcentage des adultes qui écoutent la radio en ligne.