L'époque des grands lancements tapis rouge pour les films québécois est-elle révolue? Des distributeurs tentent aujourd'hui d'autres approches lorsqu'ils lancent des films.

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Les entreprises de Bernard Bossé, personnage central du film L'empire Bossé, pourraient être confondues avec un vrai empire. D'abord à cause d'un site internet où sont affichés les actifs des Bossé. Aussi à cause de la présence des coordonnées de l'entreprise. Mais en y prêtant attention, on remarque que tout est bidon.

Depuis des mois, le distributeur Alliance Vivafilm donne un vernis de réalité à cette production qui met en vedette Guy A. Lepage et Claude Legault et qui fait écho aux stratagèmes des escrocs à cravate. Cette semaine, lors de rencontres entre artisans du film de Claude Desrosiers et journalistes culturels, Alliance a même mis en scène une manifestation pro Bossé pour empêcher la diffusion du film... truffé d'informations diffamatoires sur Bernard Bossé!

Si la fausse manifestation était trop peu assumée, elle a permis de constater qu'Alliance sort des sentiers battus. «L'idée (de LVL) de vraiment jouer sur le faux et le vrai s'exploite très bien sur le web, mentionne Marie-Hélène Lamarche, vice-présidente marketing et promotion d'Alliance. C'est la première fois qu'on intègre autant le web à notre stratégie promotionnelle.»

Alliance aurait pu marquer la sortie du film (en salle vendredi prochain) de façon uniquement traditionnelle: tapis rouge, bande-annonce au cinéma, à la télé et pubs dans les quotidiens. «Aujourd'hui, tous les films québécois, d'auteur et les documentaires ont leur tapis rouge, note Annie Tremblay, aux communications d'Alliance. Mais la couverture n'est plus aussi grande. Avant, le film se retrouvait en première page des cahiers Arts et spectacles des quotidiens. Maintenant, comme c'est devenu commun, les quotidiens publient une photo avec une légende.»

Insertion à la télé

Aujourd'hui, le département de créativité médias d'Alliance est fort sollicité pour des idées d'insertion à la télé. «Parce qu'il y a moins d'émissions culturelles qu'avant, explique Marie-Hélène Lamarche. En avril 2011, pour Scream 4, Ghostface était caché dernière des animateurs de Sports 30, à RDS. Le premier téléspectateur qui l'apercevait et le mentionnait sur les réseaux sociaux gagnait un DVD des trois premiers films. Ghostface a aussi assisté à un match du Canadien au Centre Bell.»

Patrick Roy, président et chef de la direction d'Alliance, a lui-même un compte Twitter depuis août 2010. «Les jeunes ne lisent pas forcément les journaux, dit-il. Je tweete beaucoup sur le cinéma en général, mais c'est d'abord un outil de travail. Quand on tweete une photo en direct d'un événement, on remplace un peu un topo de l'émission Flash. Si un Denis Coderre (51 000 abonnés) ou un Guy A. Lepage (98 000 abonnés) retweete, ça fait son effet.»

«Twitter a complètement changé notre façon de faire», résume Marie-Hélène Lamarche.

Pas une révolution

Cela dit, on ne parle pas de révolution. Depuis quelques années, les budgets consentis à la promotion d'un film québécois ont fondu. «L'année de la sortie de Séraphin (2002), les budgets promotionnels étaient de 1,2 ou 1,5 million, dit Patrick Roy. Depuis quelques années, ce n'est plus justifiable, car le marché est en baisse. Mais il fallait le faire, car ça a contribué à créer un engouement pour le cinéma québécois.»

La bonne vieille bande-annonce aura toujours sa place. «Selon une étude interne de 2011, les gens passent au maximum deux minutes sur le web et c'est pour regarder la bande-annonce du film, affirme Victor Rego, vice-président, marketing et distribution des Films Séville. Je ne vois pas encore le film qu'on ne peut promouvoir sans les médias traditionnels. Ça revient à parler à un groupe sélect. C'est une façon réductrice d'aborder un sujet, car on ne sait jamais avec les médias sociaux si ça va devenir viral. Les films restent de moins en moins longtemps à l'affiche. À cause du côté ponctuel de l'affaire, il faut s'assurer que les gens se pointent au cinéma dès que possible.»

En novembre, les Films Séville distribuera le cinquième film de la saga Twilight. Le distributeur peut compter sur un nombre élevé d'irréductibles à qui il donne de l'info qui sera rapidement propagée. «On est assez chanceux, car ce phénomène appartient aux ados, note Victor Rego. C'est eux qui contrôlent le message. Ils sont si proactifs. Le site de fans québécois qu'on alimente compte entre 10 000 à 15 000 fans.» Néanmoins, dans deux semaines, Films Séville propulsera d'abord les vampires et loups-garous dans une bande-annonce dans les cinémas!