Québec Amérique dévoile la quatrième édition de son ouvrage vedette, à une époque où les avancées technologiques et l'internet jouent à la fois pour et contre les maisons d'édition.

Dans la salle de conférence des bureaux des Éditions Québec Amérique, ils sont tous là. Alignés sur plusieurs étagères. Jacques Fortin les observe. Les versions en français, anglais, espagnol, arabe, mandarin, suédois, junior, cédérom... Il s'attarde sur les premières éditions, de 1986, du Dictionnaire visuel, en noir et blanc et conçues manuellement. «Je n'ose plus les regarder, avoue le président et fondateur en souriant. Je les trouve épouvantables! En 1986, c'était le début des ordinateurs personnels. Il n'existait qu'un traitement de texte.»

Son Dictionnaire visuel, qui associe des milliers de mots à des images, a 25 ans. En un quart de siècle, il s'est écoulé à 9 millions d'exemplaires dans 115 pays pour des revenus de plus de 35 millions de dollars pour Québec Amérique. Si le premier Visuel s'est vendu à plus de 700 000 exemplaires, on parle de quelques millions pour le deuxième, lancé en 1992. «Les années 90 sont la décennie d'or du Visuel, dit Jacques Fortin. Le marché du livre était très bon. Internet était plus ou moins présent. C'était facile pour nous de vendre. En 2000, tout a changé.»

Le quatrième Dictionnaire visuel arrive alors qu'on trouve tout ou presque gratuitement sur l'internet, qu'il est risqué de vendre un tel ouvrage 75$ et que les marges de profit sont réduites. «Je décidais à l'époque moi-même de la marge, raconte le président. Ça nous coûtait 7$ pour vendre aux Allemands 25$, par exemple.»

L'utilité d'un tel ouvrage papier aujourd'hui, pour lequel Québec Amérique a cette fois investi 1,3 million de dollars? «On avait un souci de mise à jour, à cause de l'évolution de la technologie. On a qu'à penser aux tablettes numériques. Le quatrième Visuel compte 2000 nouvelles illustrations. On a aussi beaucoup amélioré les termes que les gens consultent le plus: corps humain, alimentation, aliments, technologie.

«Aujourd'hui, les ventes qu'on peut faire ont pour but la mise à jour du livre, ajoute-t-il. On est dans une période d'investissement pour aller vers le numérique. Les mises à jour vont arriver plus vite et ça nous permettra de garder le produit vivant. Le numérique va sûrement finir par prendre le dessus sur l'édition papier.»

Cela dit, Québec Amérique est déjà à cheval sur deux modes de diffusion depuis quelques années, car on trouve déjà le Visuel sur l'internet. «Mais il faut payer pour des langues secondes, dit Jacques Fortin. La partie gratuite nous a servi pour vendre le dictionnaire à l'étranger. La Russie, la Pologne, l'Ukraine et l'Allemagne sont de très bons marchés pour nous.»

Une application iPhone au coût de 9,99$ est simultanément lancée avec le quatrième Dictionnaire visuel. «Il fallait en faire une pour garder notre première place dans le domaine des dictionnaires visuels, estime Jacques Fortin, qui tient à un ouvrage illustré et non meublé de photos. Au fil des ans, on a essayé de nous déloger sur le plan international. Donc, on n'a pas choisi la méthode la plus économique pour faire un dictionnaire. Il n'y a aucune photo. C'est de l'illustration qui a une plus grande valeur didactique, qui est davantage au service de la terminologie.»

Le titre le plus vendeur de la maison d'édition, cette fois au prix suggéré de 49,95$, assure des revenus notables dans une industrie saturée. «Pour la taille d'une maison d'édition comme la nôtre, avec 65 employés, ça prend deux ou trois best-sellers par an [5000 exemplaires]. Je suis inquiet pour le livre, car il y a surproduction. On publie beaucoup trop. Sur 10 livres, on a 2 succès et on fait nos marges avec 3. J'ai pris la décision qu'on allait publier moins, mais mieux.»