Airbus a averti les autorités britanniques de décisions « très douloureuses » en cas de Brexit sans accord, un scénario difficile à préparer et refusé aussi par le monde syndical.  

À moins de deux mois du Brexit prévu le 29 mars, le président exécutif de l'avionneur européen, Tom Enders, a publié un message au ton solennel et très sombre. Un coup de semonce de plus pour la classe politique au Royaume-Uni, au lendemain de la décision-choc du géant de l'électronique japonais Sony de déménager son siège européen hors du pays vers les Pays-Bas.

« C'est une honte que, plus de deux ans après le résultat du référendum de 2016, les entreprises ne puissent toujours pas planifier correctement l'avenir », a déploré Tom Enders dans un message vidéo publié par le groupe aéronautique européen.  

Installé dans les principaux pays européens, Airbus emploie plus de 14 000 personnes au Royaume-Uni où il fabrique les ailes de ses avions et son activité est tributaire d'une fluidité des échanges transfrontaliers.

« S'il y a un Brexit sans accord, chez Airbus nous devrons prendre des décisions potentiellement très douloureuses pour le Royaume-Uni », a averti M. Enders dans cette intervention où il s'exprime face à la caméra, revêtu d'un polo noir à col roulé et d'une veste bleue.

Une responsable d'Airbus a toutefois reconnu dans la journée que cet avertissement soigneusement mis en scène avait été lancé par l'avionneur en bonne entente avec le gouvernement.

« Ils nous ont dit "Est-ce que vous pourriez faire savoir clairement l'impact potentiel de l'absence d'accord ?" et nous avons été prêts à le faire, car l'absence d'accord est potentiellement catastrophique pour nous », a expliqué Katherine Bennett, une vice-présidente d'Airbus UK interrogée par Sky News.  

La mise en garde de M. Enders intervient au moment où une série de mauvaises nouvelles accable déjà l'économie britannique. Outre Sony, un autre groupe technologique, Dyson, a annoncé mardi qu'il déplaçait son siège de l'Angleterre vers Singapour - même s'il a assuré que cette décision n'était pas liée au Brexit.  

Illustrant les préoccupations du secteur automobile, le géant américain Ford a quant à lui chiffré à 800 millions de dollars le coût potentiel sur 2019 en cas de divorce sans accord.

Le britannique Jaguar Land Rover a annoncé de son côté l'arrêt de sa production pour une semaine du 8 au 12 avril pour éviter les perturbations du Brexit.

« Airbus n'est pas seul »

Le gouvernement britannique tente néanmoins de rassurer et le ministre des Finances Philip Hammond a profité de son passage au Forum économique mondial de Davos en Suisse pour envoyer un message de confiance dans l'attractivité du Royaume-Uni.

Jeudi, il a plaidé en faveur du Brexit ordonné souhaité par les milieux économiques. « Ne pas quitter (l'UE) serait certes perçu comme une trahison de la décision du référendum » de 2016, a-t-il dit.

« Mais partir sans accord compromettrait notre prospérité future et constituerait tout autant une trahison des promesses faites (lors de ce référendum) ».

Dans le cadre de ses consultations, la première ministre Theresa May a en outre reçu des responsables syndicaux. À sa sortie de Downing Street, la dirigeante de la confédération syndicale TUC, Frances O'Grady, a dit à la BBC que la première ministre « devrait commencer à tenir compte de la position du Parlement, qui veut voir retirer du débat la perspective d'un "no deal" et avoir plus de temps pour discuter ».  

Les députés britanniques ont largement rejeté le 15 janvier l'accord négocié entre Mme May et l'UE pour organiser le Brexit. Le risque d'un départ sans accord n'a pas été écarté et le blocage politique demeure.

Plusieurs responsables économiques ont alerté sur le manque de préparation criant des entreprises et du gouvernement à la possibilité d'un Brexit sans accord.

« S'il n'y a pas d'accord le 29 mars pour eux c'est catastrophique et ils ne sont absolument pas préparés à ça », a prévenu sur RTL Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international.

Le gouverneur de la Banque d'Angleterre Mark Carney a quant à lui insisté depuis Davos sur « de sérieux problèmes logistiques qui doivent être résolus ».