Le conflit commercial entre les deux premières puissances économiques mondiales, les États-Unis et la Chine, inflige déjà des dommages collatéraux, et menace de nuire davantage, à l'économie mondiale, a averti mardi la Banque mondiale.  

Selon les projections semestrielles de l'institution de développement, la croissance mondiale va ralentir à 2,9 % cette année (-0,1 point par rapport aux prévisions de juin) et 2,8 % en 2020.  

Mais le ralentissement mondial a aussi ses racines dans la hausse de la dette publique et des entreprises, en particulier parmi les pays les plus pauvres, et dans les relèvements des taux d'intérêt qui augmentent les coûts d'emprunt, a affirmé la Banque dans son rapport semestriel sur les perspectives économiques mondiales.

Ce rapport est nettement plus pessimiste qu'il y a un an - lorsque la perspective d'une croissance mondiale synchronisée était envisagée - et parsemé d'exhortations à agir de façon « urgente » ou « impérative ».

« Il y a une augmentation des risques », a déclaré à l'AFP Ayhan Kose, économiste à la Banque mondiale. « L'économie mondiale traverse une période difficile. Le ciel s'assombrit et nous constatons un ralentissement de l'économie mondiale ».

Les prévisions de presque toutes les régions et tous les pays ont été déclassées.

L'économie chinoise ralentit également. Sa croissance devrait tomber à 6,2 % cette année et l'année prochaine après 6,5 % en 2018.

M. Kose, qui dirige le groupe des perspectives de développement de la Banque mondiale, a déclaré espérer une résolution du conflit, tout en exhortant les gouvernements à se préparer à un chemin difficile.

« La croissance mondiale est toujours robuste, mais le contrecoup de la tempête dépendra de la réaction des décideurs politiques », a-t-il ajouté.

Bien que la banque prévoit toujours une faible probabilité de récession aux États-Unis, même un léger ralentissement a un impact important.

Et si les États-Unis et la Chine perdent un point entier de croissance, l'expansion mondiale sera réduite de presque autant, ce qui aura des conséquences dramatiques pour de nombreux pays. « Les tensions commerciales affectent déjà l'activité dans le monde », a déclaré M. Kose, soulignant que les choses pourraient s'aggraver.

Le rapport a également fortement abaissé les prévisions de croissance des principaux pays émergents tels que le Mexique, l'Afrique du Sud et la Russie, ainsi que celle des pays frappés de crise comme la Turquie et l'Argentine.  

Jusqu'à présent, l'Inde et l'Indonésie ont échappé à ce sort. Mais les États-Unis et la Chine représentent plus du tiers du Produit intérieur brut (PIB) mondial et 20 % du commerce mondial.  

Sentiment d'urgence

« La résolution de leurs différends sera donc très importante pour la manière dont l'économie mondiale se façonnera cette année », a déclaré l'économiste.  

Il a rappelé que le commerce était « un moteur de croissance » et a été « un moteur en termes de réduction de la pauvreté ».

La forte baisse des marchés mondiaux des actions à la fin de l'année dernière a aussi montré que l'incertitude générée par le conflit commercial minait la confiance des entreprises et ralentissait les investissements, a-t-il ajouté.

En regardant les données, « on voit bien qu'en 2018, l'industrie manufacturière a ralenti ainsi que les commandes à l'exportation ». Après avoir augmenté en 2018, la confiance est en baisse, ce qui est « préoccupant ».

Face à ces risques croissants, la Banque mondiale a exhorté les pays membres à se préparer, avec des changements dans les dépenses, les investissements et les emprunts, à mettre en place des « politiques tampons » pour se protéger des vents contraires.

« Il faut reconnaître un sentiment d'urgence », a déclaré M. Kose. « En fin de compte, un cadre politique solide constitue l'assurance la plus importante lorsque l'économie est au ralenti et que les risques augmentent », a-t-il ajouté.

C'est particulièrement vrai avec le gonflement du niveau de la dette, alors que les taux d'intérêt augmentent. Le rapport souligne avec inquiétude la forte augmentation des emprunts des pays les plus pauvres, une dette de plus en plus souvent contractée auprès de prêteurs qui, contrairement à la Banque mondiale, ne proposent pas de conditions de faveur.